Era Immobilier : François Gagnon, Président ERA Europe et ERA France, s'exprime
"Depuis que, par l'intermédiaire de son holding personnel, le grand patron François Pinault s'est offert les réseaux Capifrance et Optimhome, la communauté immobilière sait que le phénomène des mandataires en transaction sera plus qu'un épiphénomène économique et commercial.
Jusque-là, il faut reconnaître que ce mode d'exercice de l'activité de transaction immobilière inquiétait, certes, les agents immobiliers traditionnels, mais faisait un peu sourire, comme quelque chose qui était appelé à s'inscrire dans le paysage sans y tenir une place majeure.
L'arrivée de ce grand investisseur ne fait pas que de donner des moyens de développement aux réseauxconcernés, qui auraient eu mille autres façons d'en obtenir, il légitime cette organisation de l'activité. Du coup, il me semble que la profession se doit, non pas de rêver une improbable disparition des réseaux de mandataires, mais plutôt leur qualification, pour que le public ne soit pas menacé par un moindre degré de sécurité professionnelle. Et je voudrais dire ce qu'on n'a pas encore dit sur ce sujet déjà passionnel : les mandataires enfreignent l'esprit de la
loi du 2 janvier 1970, la fameuse loi Hoguet, dont ils relèvent. Je m'explique.
Le principe de ces réseaux est simple : sous couvert d'une carte professionnelle qui est l'autorisation officielle d'exercer, portée par la tête de réseau, à Paris ou ailleurs, des agents commerciaux à qui les biens reçus en mandat sont confiés, réalisent des ventes immobilières partout sur le territoire, certains réseaux étant régionaux, d'autres nationaux. Il ne s'agit en fait que de l'industrialisation du recours à des travailleurs indépendants, pratique utilisée par les agents immobiliers depuis la nuit des temps. Le seul problème est que cette industrialisation, qui a
été favorisée par l'Internet et la possibilité de diffuser les mandats aux agents commerciaux partout en France et en temps réel, viole l'esprit et la lettre de la loi, qui sur ce point était dès 1970 parfaitement moderne.
Le législateur de 1970, que les suivants n'ont jamais désavoué, était parti d'un principe : le porteur de la carte, c'est-àdire celui qui a attesté de son aptitude (diplôme ou expérience), de sa moralité (extrait de casier judiciaire), de son assurance en responsabilité civile professionnelle et de sa garantie financière (protection des fonds maniés) devait être proche de son équipe, de sa clientèle et du patrimoine objet de son activité. Selon la loi, les préfectures, lorsqu'elles
examinent la possibilité pour un détenteur de carte, de piloter, sous une même structure juridique, un établissement secondaire (succursale, agence, bureau), exigent une « déclaration préalable d’activité » effectuée par le titulaire de la carte professionnelle. Celle-ci doit être obligatoirement souscrite à la préfecture du lieu de situation de cet établissement
et un directeur d’établissement, qui doit justifier de son aptitude professionnelle, doit être désigné. Compte tenu des responsabilités de ce directeur et du lien de subordination envers la structure juridique détenteur de la carte que cette responsabilité implique, il ne peut s’agir d’un agent commercial. Le recours à des agents commerciaux est une façon de tourner la loi et son application, puisque ce ne sont pas des salariés de succursale, mais des travailleurs indépendants sans aptitude professionnelle obligatoire. Il n'en reste pas moins vrai que le « porteur de carte », mandataire des vendeurs, doit pouvoir s'assurer que l'agent commercial remplit la mission avec sérieux et diligence. Pas de lien hiérarchique, mais pour autant un lien
professionnel de délégation, avec les enjeux qui y sont attachés. Pas de management, mais un lien de collaboration fort, alors que paradoxalement cet agent commercial se voit interdire, par cette même loi Hoguet, de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous seing privés à l’exception des mandats.
Il est urgent que le législateur se penche sur cette question. D'ailleurs, l'examen en cours par le Parlement du projet de loi renforçant la sécurité du consommateur met l'Etat dos au mur : ce texte vient d'affaiblir considérablement le mandat exclusif des agents immobiliers en limitant sa durée à 3 mois non renouvelables et en interdisant les pénalités à la charge du propriétaire vendant lui-même alors qu'il a confié, en toute connaissance de cause, la vente à un seul
professionnel. Le Gouvernement considère en effet que cette exclusivité restreinte favorise la concurrence, peut faire baisser les honoraires et restaurer le pouvoir d'achat des ménages. Qu'on partage ou pas sa logique, elle conduit à favoriser les réseaux, qui à l'inverse démultiplient les opérateurs occasionnels sur un même territoire. Mais alors, encore faut-il que soit assurée la sécurité des particuliers !
En attendant, c'est au client, propriétaire confiant son bien à vendre, ou acquéreur, de se faire son opinion : suis-je en sécurité avec un réseau de mandataires comme je le suis avec un agent immobilier classique ? Pour l'instant, la réponse est clairement non."
Jusque-là, il faut reconnaître que ce mode d'exercice de l'activité de transaction immobilière inquiétait, certes, les agents immobiliers traditionnels, mais faisait un peu sourire, comme quelque chose qui était appelé à s'inscrire dans le paysage sans y tenir une place majeure.
L'arrivée de ce grand investisseur ne fait pas que de donner des moyens de développement aux réseauxconcernés, qui auraient eu mille autres façons d'en obtenir, il légitime cette organisation de l'activité. Du coup, il me semble que la profession se doit, non pas de rêver une improbable disparition des réseaux de mandataires, mais plutôt leur qualification, pour que le public ne soit pas menacé par un moindre degré de sécurité professionnelle. Et je voudrais dire ce qu'on n'a pas encore dit sur ce sujet déjà passionnel : les mandataires enfreignent l'esprit de la
loi du 2 janvier 1970, la fameuse loi Hoguet, dont ils relèvent. Je m'explique.
Le principe de ces réseaux est simple : sous couvert d'une carte professionnelle qui est l'autorisation officielle d'exercer, portée par la tête de réseau, à Paris ou ailleurs, des agents commerciaux à qui les biens reçus en mandat sont confiés, réalisent des ventes immobilières partout sur le territoire, certains réseaux étant régionaux, d'autres nationaux. Il ne s'agit en fait que de l'industrialisation du recours à des travailleurs indépendants, pratique utilisée par les agents immobiliers depuis la nuit des temps. Le seul problème est que cette industrialisation, qui a
été favorisée par l'Internet et la possibilité de diffuser les mandats aux agents commerciaux partout en France et en temps réel, viole l'esprit et la lettre de la loi, qui sur ce point était dès 1970 parfaitement moderne.
Le législateur de 1970, que les suivants n'ont jamais désavoué, était parti d'un principe : le porteur de la carte, c'est-àdire celui qui a attesté de son aptitude (diplôme ou expérience), de sa moralité (extrait de casier judiciaire), de son assurance en responsabilité civile professionnelle et de sa garantie financière (protection des fonds maniés) devait être proche de son équipe, de sa clientèle et du patrimoine objet de son activité. Selon la loi, les préfectures, lorsqu'elles
examinent la possibilité pour un détenteur de carte, de piloter, sous une même structure juridique, un établissement secondaire (succursale, agence, bureau), exigent une « déclaration préalable d’activité » effectuée par le titulaire de la carte professionnelle. Celle-ci doit être obligatoirement souscrite à la préfecture du lieu de situation de cet établissement
et un directeur d’établissement, qui doit justifier de son aptitude professionnelle, doit être désigné. Compte tenu des responsabilités de ce directeur et du lien de subordination envers la structure juridique détenteur de la carte que cette responsabilité implique, il ne peut s’agir d’un agent commercial. Le recours à des agents commerciaux est une façon de tourner la loi et son application, puisque ce ne sont pas des salariés de succursale, mais des travailleurs indépendants sans aptitude professionnelle obligatoire. Il n'en reste pas moins vrai que le « porteur de carte », mandataire des vendeurs, doit pouvoir s'assurer que l'agent commercial remplit la mission avec sérieux et diligence. Pas de lien hiérarchique, mais pour autant un lien
professionnel de délégation, avec les enjeux qui y sont attachés. Pas de management, mais un lien de collaboration fort, alors que paradoxalement cet agent commercial se voit interdire, par cette même loi Hoguet, de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous seing privés à l’exception des mandats.
Il est urgent que le législateur se penche sur cette question. D'ailleurs, l'examen en cours par le Parlement du projet de loi renforçant la sécurité du consommateur met l'Etat dos au mur : ce texte vient d'affaiblir considérablement le mandat exclusif des agents immobiliers en limitant sa durée à 3 mois non renouvelables et en interdisant les pénalités à la charge du propriétaire vendant lui-même alors qu'il a confié, en toute connaissance de cause, la vente à un seul
professionnel. Le Gouvernement considère en effet que cette exclusivité restreinte favorise la concurrence, peut faire baisser les honoraires et restaurer le pouvoir d'achat des ménages. Qu'on partage ou pas sa logique, elle conduit à favoriser les réseaux, qui à l'inverse démultiplient les opérateurs occasionnels sur un même territoire. Mais alors, encore faut-il que soit assurée la sécurité des particuliers !
En attendant, c'est au client, propriétaire confiant son bien à vendre, ou acquéreur, de se faire son opinion : suis-je en sécurité avec un réseau de mandataires comme je le suis avec un agent immobilier classique ? Pour l'instant, la réponse est clairement non."