Kookaï, qui compte près de 70 magasins et plus de 70 corners ouverts, a inauguré douze nouvelles boutiques en 2006. Jacques Levy, président directeur général de Kookaï, explique la stratégie de repositionnement de l’enseigne mise en place depuis 2004 et les projets en terme de développement du réseau.
Caroline Kervennic : Qu’est ce qui différencie votre marque d’autres enseignes de prêt-à-porter ?
Jacques Levy : Kookaï est une jolie marque qui a su, dès l’origine, prendre sa place sur le marché. Par un mouvement naturel, la marque avait un peu perdu de sa fraîcheur au cours des années. Dans le secteur de la mode et de la création, on ne peut tenir le haut du pavé éternellement, on le remarque pour de grandes enseignes comme Gucci ou Lanvin, qui ont connu plusieurs cycles de vie. Les marques reprennent ensuite lorsqu’on leur injecte de l’énergie, de la communication, de la cohérence, avec la mise en place d’axes clairs. C’est un métier où l’on a l’impression de tout remettre en jeu à chaque saison, même si ce n’est pas totalement vrai, car les consommateurs sont plus fidèles aux marques qu’on le pense. Lorsqu’une marque, pour limiter les risques, privilégie les aspects commerciaux au détriment du côté créatif, elle produit davantage de modèles basiques. Elle perd également de l’intérêt pour sa clientèle. Je remarque que les femmes sont de plus en plus éclairées sur les aspects qui touchent au marketing et à la stratégie des marques, elles attendent qu’on les surprenne. Les marques qui émergent sont celles qui ont su surprendre les consommateurs. C’est le cas de Kookaï, qui a su développer dès le départ une vraie saga publicitaire. C’est surtout une marque qui, dès l’origine, avait une image créatrice. Kookaï fait travailler des stylistes au siège de la marque. Les modèles de la collection sortent avant les défilés, il s’agit donc de véritable création. Nous avons conservé toute la noblesse du métier.
Comment s’est passée votre arrivée à la tête de Kookaï ? Quels changements avez-vous opéré ?
Je suis arrivé à la tête de l’entreprise en 2004, accompagné par la directrice de création présente à l’origine de la marque, qui avait quitté l’entreprise en 2002. Mon ambition était de relancer cette marque qui s’était un peu endormie en faisant évoluer son positionnement pour revenir au souffle original. Tout notre travail a été de raconter notre histoire et d’y faire adhérer les affiliés. Nous avons créé des groupes de travail regroupant nos affiliés pour leur expliquer notre projet, celui de faire redonner à la marque son statut de marque créatrice. Nous avons effectué un très gros travail sur la collection, sur l’esprit de la marque, le positionnement et les niveaux de détails. Notre parti pris a été de mettre en avant les éléments identitaires de la marque et donc de centrer notre travail autour de la maille, point fort de Kookaï avec la robe imprimée. Les prix de la collection hiver 2005 ont été augmentés de 20%. Les étiquettes ont été repensées et les prix du type « 29,90€ » abandonnés. Tous les détails ont leur importance, comme les housses que nous ajouté sur les cintres. La marque a réintégré un positionnement de créateur. Cette stratégie a abouti à une augmentation du chiffre d’affaires de la marque. Nous avons perdu certains clients et en avons gagné d’autres. Les points de vente qui ont le plus vite décollé sont ceux où la population est la plus aisée, la plus intéressée par la mode également. Nous avons également développé un nouveau concept de magasin en phase avec ce repositionnement. Une quinzaine de magasins vont reprendre ce nouveau concept d’ici la fin de l’année. Du côté communication, notre stratégie a été de sortir du discours de la provocation. La campagne a été axée sur le produit avec une petite phrase d’accroche en lien avec les anciennes campagnes « Je ne suis pas jolie, je suis pire ». La nouvelle campagne en noir et blanc, visible actuellement, accentue encore le trait avec des visuels très graphiques.
Comment les affiliés ont-ils perçu ces changements dans les points de vente ?
Tout notre travail a été de leur raconter notre histoire et de les faire adhérer à notre projet. Nous leur avons également retracé l’histoire du produit, depuis l’idée de départ sur dessin jusqu’à que le vêtement soit suspendu dans leur magasin. Aujourd’hui, les vendeuses et les nouveaux affiliés visionnent ce film lorsqu’ils rejoignent notre enseigne. Nous avons également organisé des groupes de travail avec nos affiliés pour leur expliquer notre projet. Aujourd’hui certains ont ouvert leur deuxième ou leur troisième magasin. L’implication des affiliés a été très importante. Certains ont développé une réelle passion pour la marque.
Quels sont vos projets en terme de développement en France, mais aussi à l’étranger ? Quel sont les caractéristiques des affiliés qui rejoignent le réseau Kookaï ?
En France, notre positionnement actuel nous permet de développer environ cent-vingt boutiques, ce qui nous laisse encore des possibilités en termes de développement. Aucune ville n’est réservée pour y implanter des succursales. Du côté des centres commerciaux, nous évitons certains endroits en région parisienne pour des questions de positionnement produit. La segmentation est plus fluide en province. Aujourd’hui, nous axons notre développement sur des centres commerciaux ou des extensions de centres commerciaux. Notre développement s’opère de façon mesurée, car nous attachons une grande importance à la relation et au choix de partenaires solides. Kookaï se développe également à l’étranger. Nous avons mis en place une formule hybride entre franchise et affiliation en Allemagne par exemple, une partie de la collection est achetée, l’autre partie du réassort est faite par nos soins. Nous travaillons notamment sur des projets en Espagne, en Chine, en Corée, au Japon. Un partenariat avec la Chine est actuellement en réflexion.