Débat du revenu, les nouvelles garanties pour les épargnants
Le projet de loi pour le développement de la participation qui sera examiné au Parlement cet automne prévoit de nouvelles garanties pour les épargnants.
Le Revenu a organisé un débat exclusif sur ce thème.
Intervenants :
- Jacques Delmas-Marsalet : Membre du Collège de l’AMF
- Christian Bito : associé-gérant de Rothschild et Compagnie Gestion, professeur à l’Essec
- Bruno Gizard : directeur des prestataires de gestion et d’épargne à l’AMF
- Jean-Pierre Rondeau : président de l’association des conseillers CIF-CGPC
- Paul Laÿs : président de la Chambre des Indépendants du Patrimoine
- Gilles de Courcel : Compagnie des conseils en investissements financiers
- Gilles Piétriga : vice président de la Chambre des Indépendants du Patrimoine.
Alors qu\'une chaleur estivale accablait la capitale, sept experts ont répondu à l\'invitation du Revenu pour débattre des nouvelles mesures de protection des épargnants, dans le cadre historique du restaurant où sont décernés les prix Goncourt.
Le projet de loi du 29 mai 2006 reprend des propositions en matière d\'épargne que vous aviez formulées dans votre rapport de novembre 2005.
Quel était votre constat à l\'époque ?
Jacques Delmas-Marsalet: Premièrement, il y a eu, à la fin des années 1990, des problèmes de ventes inadaptées de pro¬duits ne correspondant pas à la capacité financière ou aux objectifs d\'investisse¬ment des clients, aussi bien en France, dans des grands réseaux, qu\'en Grande-Bretagne chez des conseillers indépendants. Deuxièmement, l\'évolution de l\'épargne entraîne un accroissement du besoin d\'information et de conseil, car elle se traduit par un transfert du risque et de la responsabilité du choix des, placements vers les épargnants. Cette tendance ne pourra que s\'accentuer avec le recul des régimes de retraite par répartition à prestations garanties au profit des systèmes par capitalisation qui sont au risque de l\'épargnant.
Fallait-il une nouvelle loi ?
Bruno Gizard : Pour les prestataires de service d\'investissement existait déjà l\'obligation de se préoccuper des attentes des clients et de leur compétence en matière financière. Prévue par la directive sur les services d\'investissement de 1993, cette obligation avait été transposée par la COB pour les sociétés de gestion et parle CMF pour les autres prestataires de service d\'investissement. Ces dispositions figurent aujourd\'hui dans le règlement général de l\'AMF. Mais il est exact que cette appréciation des objectifs et de la compétence du client par les prestataires n\'est pas aujourd\'hui nécessairement formalisée.
Comment les nouvelles garanties pour les épargnants sont-elles accueillies par les gérants de patrimoine ?
Paul Laÿs : Il faut être cohérent, notre profession de conseil repose sur la capacité à analyser les objectifs des épargnants. La découverte du client est essentielle. Jusqu\'à présent, il y avait une tradition orale, on ne gardait pas de trace écrite. Il faut se réjouir du travail du législateur sur la réglementation. Mais je ne suis pas sûr que l\'épargnant le réclame. II ne comprend pas d\'avoir à signer, et théoriquement à lire, autant de documents. II ne faut pas nier la surcharge que cela représente.
Gilles Piétriga: Et puis il y a l\'aspect réglementaire. Les craintes de nos confrères sont de savoir quel statut ils ont quand ils font souscrire une assurance vie multi support. Sont-ils conseillers en investissements financiers, démarcheurs ou assureurs?
Jean-Pierre Rondeau: En ce qui concerne le statut de CIF, la loi ne nous a pas convenu, car le conseil en gestion de patrimoine est un métier plus global. C\'est un point que la loi a un peu loupé, mais nous l\'avons prise en compte. Et nous remercions l\'AMF d\'avoir su comprendre les imperfections de la loi et de nous avoir aidés à mettre de l\'huile dans les rouages.
Gilles de Courcel : Le problème réel est la commercialisation. Par rapport aux propositions du rapport et au projet de loi, je ne crois pas que les experts comptables doivent distribuer des produits financiers. Mais, quand un comptable s\'occupe d\'une transmission d\'entreprise, il s\'agit d\'une PME familiale dont le patron a aussi une préoccupation patrimoniale. Ce qui est bien, dans ce cas, c\'est d\'accompagner le chef d\'entreprise avant la cession pour l\'aider à prévoir comment il placera l\'épargne qui en découlera.
Faut-il encore améliorer le statut de conseiller en investissements financiers (CIF) ?
Jacques Delmas-Marsalet : Oui, notamment en leur offrant la possibilité d\'opter pour un statut de courtier en produits financiers qui leur permettrait d\'être plus indépendants des producteurs dans le choix des produits conseillés au client et de mieux assumer leurs responsabilités de conseil.
Jean-Pierre Rondeau : Je voudrais ajouter un point sur le statut de C1F et le démarchage: la réglementation crée une distorsion entre les conseillers indépendants et les banquiers qui n\'ont pas les mêmes contraintes. Cela part de l\'impression que, en cas de problème, on est mieux remboursé par une banque.
Mais la portique montre que les banques ont des services juridiques très puissants et que, au bout du compte, leurs clients ne sont pas mieux remboursés, ni plus rapidement, en cas de litige.
Christian Dito: Le problème de la réglementation actuelle est que les CIF n\'ont pas le droit de confondre leur méfier de conseil avec la vente de Sicav, contrairement aux banques. Il va falloir cinq ans, comme en Allemagne, pour passer d\'une culture de la vente à un vrai conseil et qu\'on puisse le facturer. 12 faudrait éviter qu\'il y ait une échappatoire pour les banques. Le mieux serait un statut européen de courtier en investissements financiers.
Les banques vont-elles devoir au non respecter les nouvelles règles ?
Jacques Delmas-Marsalet : Bien entendu. Le problème ne se limite pas aux CIF qui n\'assurent qu\'une part très minoritaire dans la distribution des produits. Plus de 80 % des Sicav et fonds d\'investissement sont distribués par des banques ou des assureurs et plus de 60 % des placements en assurance vie par les banques. Les clients ont donc affaire à un paysage beaucoup plus large et sont très dépendants des banques.
L’aspect le plus important du rapport concerne les réseaux intégrés. C\'est là que se situent les résistances et les difficultés les plus notables. Du côté assurance, la directive européenne impose aux intermédiaires des obligations très strictes en matière de conseil. Ces obligations vont être étendues par le projet de loi aux réseaux salariés qui avaient été oubliés. Le gros problème va concerner les réseaux bancaires car cela va demander un investissement informatique et de formation des vendeurs pour pratiquer la vente-conseil.
C\'est le point le plus difficile. Le préalable est de définir le champ d\'application du conseil. Sur ce point, j\'ai pris une position que je confirme, car elle est la transposition de la directive MIF: dès lors que le salarié d\'un réseau bancaire propose des produits à un client, il est tenu de vérifier que ces produits sont adaptés à la situation financière et aux objectifs de celui-ci.
Il n\'y a d\'exception à cette règle que dans le cas où le client passe un ordre par lui-même et où l\'intermédiaire est seulement tenu à son exécution.
Vous proposez une déductibilité fiscale des honoraires de conseil. Pourquoi est-ce important ?
Jacques Delmas-Marsalet : Nous sommes dans une situation aberrante, où le conseiller est rémunéré par des rétrocessions consenties par les producteurs, ce qui peut compromettre l\'objectivité et l\'impartialité de son conseil.
On peut prendre des précautions pour éviter les abus, mais il faut accréditer l\'idée que le conseil doit faire l\'objet d\'une rémunération spécifique versée par le client, c\'est-à-dire des honoraires.
Deux propositions vont dans ce sens.
Premièrement, que les honoraires de conseil puissent être imputés en réduction des commissions de souscription et de gestion perçues par ailleurs par le conseiller.
Deuxièmement, qu\'ils soient déductibles par le client du revenu imposable de son patrimoine.
À ces conditions, la pratique des honoraires pourrait être introduite non seulement chez les conseillers indépendants, mais au moins de manière modeste au départ dans les réseaux bancaires. Si un conseiller en agence passe vingt à quarante minutes sur le conseil, il ne serait pas illégitime d\'en faire supporter tout ou partie du coût par le client.
Si on ne fait rien, on reste dans la situation où le conseiller est obligé de vendre, pour avoir une rémunération de ses conseils.