YellowKorner présente André Robé : « America’s glory days »
Depuis 1997, le collectionneur André Robé achète à des particuliers des diapositives issues de leurs archives personnelles. C’est souvent à l’occasion d’un décès que les proches se débarrassent de ces documents dont ils ne savent que faire. À la différence des photographies sur papier argentique que l’on peut tenir en mains, les diapositives n’ont pas de dimension sensuelle. Contenues dans des boîtes en attendant d’être projetées, elles ne sont pas mises sous cadres et exposées. Elles n’appartiennent pas au paysage intime des familles. Aucun regard nostalgique ne vient plus les caresser. Pour toutes ces raisons, les particuliers se défont plus aisément de ces vestiges de leur passé.
Cette série est constituée de photographies des années 50-60. Elles sont prises par des touristes américains, essentiellement à New York. L’époque correspond à l’âge d’or des Etats-Unis. À la fin de la deuxième guerre mondiale, le pays domine le monde. Eisenhower, Kennedy et Johnson se succèdent à la présidence. Les citoyens américains ont un fort pouvoir d’achat et consomment avec insouciance. La publicité prend une importance grandissante. Les Mad Men de Madison Avenue inondent les foyers et le paysage urbain de réclames vantant des appareils toujours plus modernes et sophistiqués.
Ces photographies sont à l’image de l’Amérique d’alors. Elle est si puissante, si moderne en comparaison avec le reste du monde que Kennedy annonce, lors de son discours d’investiture en janvier 61 :
« Vous qui, comme moi, êtes américain, ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. Vous qui, comme moi, êtes citoyens du monde, ne vous demandez pas ce que les Etats-Unis peuvent faire pour le monde, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le monde. »
Si Kennedy exige de ses concitoyens d’être les acteurs d’une politique nationale et internationale, ce sont ces mêmes concitoyens qui, devenus photographes anonymes, « fabriquent » des images qui ressemblent beaucoup au rêve américain. Ces photographies sont conformes à ce que l’on peut imaginer d’un pays alors à la pointe de toutes les innovations. La mode, le design, l’architecture et jusqu’à l’énergie qui se dégage confèrent une impression d’ultra modernité. Fier d'en être, l’anonyme photographie les symboles de la réussite.
Les particuliers qui se défont des archives familiales ignorent la valeur de ce patrimoine. C’est là où André Robé intervient. Il ne se contente pas d’acquérir et d’amasser. Il constitue des ensembles d’images raisonnées. Les Kodachromes gardent une très bonne qualité de couleurs dans le temps. La chromie si particulière aux années 50-60 confère un style authentique et donne une unité d’ensemble. Cette cohérence stylistique, associée à une recherche iconographique par thème, crée un corpus raisonné. Le collectionneur André Robé devient alors à son tour créateur d’une œuvre qui lui ressemble. Il s’approprie les souvenirs des autres et cette réappropriation crée des images nouvelles. Sauvées de l’oubli, les photographies sortent de l’intimité du foyer pour devenir des icônes.