YellowKorner présente Formento+Formento « A l'Ouest, l'Eden »
La route soulève autant d’espoirs que d’incertitudes. On part pour une vie meilleure. On avale les kilomètres. Les villes défilent, les panneaux s’accumulent et les voitures se frôlent. Le temps passe et, après l’euphorie du départ, les doutes s’installent. Que trouvera-t-on là-bas ? Cet espoir d’une vie meilleure est-il utopique ? Et si, ici ou ailleurs, seul le paysage changeait et que les difficultés restaient les mêmes ?
Ce n’est pas l’exil que les artistes Formento+Formento photographient mais le chemin qui y mène. BJ et Richeille Formento se sont rencontrés en 2005. BJ arrive à New York en 1999. Il a alors 35 ans et assiste les plus grands photographes : Mary Ellen Mark, Hans Neleman ou encore Annie Leibovitz. Il parfait aussi sa technique auprès d’Eugene Richards et Arnold Newman. En 2001, il se lance comme photographe indépendant. Jusqu’en 2005, Richeille travaille dans l’industrie de la mode en tant que directrice artistique et designeuse. Mariés trois mois après leur rencontre, BJ et Richeille décident d’associer leurs talents.
En 2009, alors que les Etats-Unis subissent la crise des subprimes, le couple décide d’embarquer pour une traversée du pays à bord de leur Silver Air Stream. Avec un budget réduit au maximum, il décide de se rendre dans 25 états pour y photographier 50 femmes sur une période de 5 mois. Parallèlement à leur propre odyssée, dans les lieux qu’ils sont amenés eux-mêmes à traverser, BJ et Richeille mettent en scène des femmes en fuite.
En 1936, Dorothea Lange photographiait Florence Owens Thompson. Dans le portrait intitulé « Migrant mother », cette veuve de 32 ans, mère de 7 enfants, devenait l’icône de la Grande Dépression. La « migrante » de Formento+Formento est un stéréotype de glamour. On l’imagine sur la Route 66, fuyant vers l’Ouest. Elle semble vulnérable mais déterminée. Les photographies convoquent les fantasmes associés à la figure de la jeune fille en détresse. Les sentiments des spectateurs sont ambivalents : pitié, empathie mais aussi concupiscence. Avec sa valise, dans une station service, un motel ou faisant halte dans un bâtiment désaffecté, le physique et la mise de la belle sont en décalage avec les décors miteux qu’elle traverse. On imagine les risques qu’elle prend et la force du désespoir qui la pousse toujours plus loin. On ne la verra jamais atteindre sa destination finale. Son errance ne prendra peut-être jamais fin.
Les photographies de BJ et Richeille Formento font référence à l’histoire du continent américain. Ils suivent les pas des premiers pionniers allant toujours plus loin vers l’Ouest. Ils refont le trajet intemporel des laissés-pour-compte. Kerouac décrivait déjà cet attrait :
« Je sens tout ce pays brut rouler en bloc son étonnante panse géante jusqu'à la Côte Ouest et toute cette route qui y va, tous ces gens qui rêvent dans son immensité »