YellowKorner présente les photographies de Lee Jeffries : « Portraits Humanistes »
Invariablement, c’est le regard de la personne qui déclenche chez Lee Jeffries l’envie de la portraiturer. Ses modèles sont des sans-abri rencontrés en Europe et aux Etats-Unis. Photographe itinérant, chacun des voyages de Jeffries est l’occasion de nouvelles rencontres et de nouveaux clichés.
Les portraits de Lee Jeffries relèvent tous de la même démarche stylistique. Le photographe travaille exclusivement en stricte frontalité et en noirs et blancs fortement contrastés. Il prend aussi le parti pris d’un cadrage serré sur le visage. La faible profondeur de champ et le fond neutre font ressortir les contrastes et les détails. En cadrant exclusivement sur les visages, Lee Jeffries isole ses modèles de leur environnement. Les vêtements en guenilles, les sacs et l’ensemble des attributs habituellement associés aux sans-abri ne sont pas représentés. Seuls les traits propres à chacun, ceux qui permettent une identification immédiate, sont objets de représentation. Les SDF deviennent ainsi des individus à part entière et recouvrent une identité qui leur est propre
Ni indulgence, ni complaisance, le style est sans fioriture. L’artiste insiste sur les reliefs du visage et travaille les rides comme des sillons. La photographie devient un document qui raconte la misère, l’injustice et la souffrance. Lee Jeffries aborde ses modèles pour leur demander l’autorisation de les photographier. Libres de refuser ou d’accepter, les SDF deviennent alors acteurs à part entière de la représentation. Cette acceptation préalable conditionne en partie le résultat final. Ce consentement des modèles donne la force significative du travail de Jeffries qui cherche à confronter le public avec une réalité odieuse.
Le propos de Lee Jeffries n’est pas de susciter une pitié éphémère mais d’ouvrir les yeux et les esprits sur une réalité sociale universelle. La parfaite maîtrise du portrait lui permet d’explorer le thème de la vérité artistique au-delà de la ressemblance. Si Lee Jeffries « prend » des photographies , il ne « prend » pas le pouvoir sur ses modèles. Ce sont deux regards qui se croisent, celui de l’artiste et celui du sujet, afin d’être enfin perçu par un troisième : le nôtre.