YellowKorner présente Thomas Eigel « Fly me to the sky »
Le photographe allemand Thomas Eigel pratique la photographie depuis plus de 20 ans, tout d'abord en tant que photographe web, puis comme directeur artistique et enfin directeur d'agence. Alors qu'il vit et travaille à Hambourg, ses thèmes de prédilection sont le mouvement et le voyage. Réalisée sur le domaine de l'aéroport de Hambourg en 2012, la série Airplane se consacre à la prise de vue, à partir du sol, de différents types d'avions civils en phase de décollage ou d'atterrissage. Si historiquement, on voyage plutôt pour des raisons pratiques, le tourisme est aujourd'hui très largement développé et s'est démocratisé avec l'avènement des transports modernes. Le monde d'aujourd'hui a été presque intégralement exploré. L'anthropologue et ethnologue français Marc Augé le déplore en évoquant un « impossible voyage, celui que nous ne ferons jamais plus, celui qui aurait pu nous faire découvrir des paysages nouveaux et d'autres hommes ». Les zones inaccessibles, non cartographiées ou inconnues, n'existent plus dans notre monde contemporain. L'avion est devenu, pour beaucoup, un moyen de locomotion courant. Les mécaniques, pourtant de plus en plus puissantes et volumineuses, ne suscitent plus l'émoi et l'admiration. C'est cette banalisation de l'avion comme objet et comme mode de transport que Thomas Eigel évoque. En présentant une série pléthorique, marquée par la répétition du même motif, l'artiste souligne que l'avion est devenu un élément emprunté à la réalité quotidienne. Si les modèles diffèrent, la technique et la mécanique sont sensiblement les mêmes. Nul ne s'extasie dorénavant devant la prouesse d'un avion de plusieurs tonnes qui parcoure des milliers de kilomètres dans le ciel pour relier un point à un autre.
Thomas Eigel ne photographie pas seulement des avions. Ces travaux évoquent, par la suggestion, les passagers qui, montés à bord de l'engin, s'envolent vers une destination inconnue et les autres, restés au sol, qui regardent ceux qui partent vers un ailleurs. Le photographe réussit ainsi à représenter ce que l'on ne peut montrer, à savoir, l'immobilisme en opposition au mouvement. Si le motif de l'avion est purement figuratif, l'autre objet de la représentation, le sujet qui reste au sol, est conceptuel. Thomas Eigel parvient ainsi à représenter l'immatériel. Par la position qu'il adopte pour prendre son cliché, il suggère et incarne celui qui reste tandis le symbole puissant de l'avion est à la fois la métaphore du mouvement mais aussi du voyage.