Avis d’expert : Christophe Gazel, directeur général de l’Ipea

Alors que le marché de l’ameublement a terminé l’année 2009 sur une baisse de 3,1% à surfaces évolutives, l’année 2010 semble démarrer mieux avec un gain de +3,4% sur le premier trimestre (par rapport à la même période 2009). Alors sortie de crise ou retour à la normale ?
Pour en savoir plus, nous sommes allés rencontrer Christophe Gazel, le directeur général de l’Ipea, en plein cœur du 12ème arrondissement. Spécialiste reconnu, il nous livre en exclusivité son analyse du marché de l’ameublement et propose des pistes intéressantes à suivre pour les chaînes de franchise. Entretien.

1- Samuel Burner : Comment s’est comporté le monde du meuble en 2009 et sur le début de l’année 2010 ? Quels sont les faits saillants de l’année 2009 ? Quel regard portez-vous sur l’évolution du marché de l’ameublement au cours de cette période ?
Christophe Gazel : Comme beaucoup de secteurs d’activité, le marché du meuble a souffert en 2009. L’année 2009 s’est terminée sur une baisse de 3,1% à surfaces évolutives et en euros courants (-4,8% à surfaces constantes), après une année 2008 en recul de 0,3% et une année 2007 « record », où les ventes avaient bondi de +7,3%. Après un début d’année 2010 difficile – et une période des soldes peu satisfaisante – avec un mois de janvier en repli de 2,5% par rapport à janvier 2009, le marché français du meuble s’est redressé en février dernier avec un bond de 3,9%. Au final, le secteur du meuble a gagné 3,4% sur le premier trimestre 2010.

2- SB : Dans ce contexte, comment se sont comportés les chaînes de franchise et autres concessionnaires ? Se sont-elles bien adaptées à la conjoncture ?
Christophe Gazel : Le secteur du meuble est « EN TRAVAUX ». Tous les concepts – indépendants, succursales ou franchises – sont, en effet, en train de se moderniser pour rénover leur concept et recomposer leur offre. Quelques exemples : Cuisine Plus change complètement d’identité et joue la carte de la réassurance…Monsieur Meuble pousse sa nouvelle identité visuelle. Les exemples de ce type ne manquent pas. Beaucoup d’enseignes ont lancé des propositions (logo, agencement) en janvier 2009. A ce titre, le dernier trimestre 2009 a été déclencheur et assez bon en termes d’activité. Ce qui a permis aux chaînes de magasins réactives de rattraper les 9 premiers mois qui n’avaient pas été bons. Cela a provoqué de la casse c’est sur, voire des tensions chez des spécialistes de la cuisine. D’un autre côté, cela a incité des très belles enseignes de ce secteur de la cuisine équipée a accélérer l’allure. Je pense notamment à la SALM (Cuisinella, Schmidt) qui a ouvert un point de vente par semaine depuis septembre 2009. En 2009, le groupe Snadeiro a de son côté créé une holding commune avec Nobilia et s’est lancé dans le relooking des magasins Cuisine Plus et Ixina. Gros acteurs du marché de l’équipement de la maison, des enseignes comme But et Conforama ont également adopté une stratégie très offensive.

3- Samuel Burner : En 2009, tous les segments sont en baisse, contrairement à 2008 où le siège rembourré, la cuisine et la literie s’étaient distingués. Pouvez-vous nous donner votre appréciation sur le marché de la literie où de nombreuses enseignes se lancent.
Christophe Gazel : En 2009, c’est le segment de la literie qui s’en est sorti le mieux. Sur ce créneau, nous avons vu apparaître depuis 2009 une dizaine de nouveaux acteurs à l’image de Literie &and Co, Atelier de la Literie (lancé par Mobilier de France), LMD Convertible (groupe Maison de la Literie), Le Roi du Matelas. Sans oublier ceux déjà présents et en phase de développement comme La Compagnie du Lit, Literieland..Grand Litier. Mais souvenons nous que tout ne fonctionne pas. Lancé il y a quelques années par le groupe PPR, Nuitéa a arrête l’aventure, à cause d’un marketing trop sophistiqué.
La literie explose en nombre d’enseignes et en franchise, certainement par la volonté des marques de fabricants d’être moins dépendants de la grande distribution. Il faut avoir à l’esprit que 43% des ventes de literie (en valeur) sont réalisées par Conforama et But. Donc ces marques cherchent de l’oxygène pour rééquilibrer ce marché et prendre de la valeur. Leur but à tous : créer un marché de renouvellement dans la literie.

4-SB : Comment anticipez-vous l’année 2010 ? Quelle devrait être la tendance ? Quels conseils donneriez-vous aux enseignes ?
Christophe Gazel : Globalement pour 2010, les intentions globales d’achats de meubles sont revues à la hausse. En 2009, 26,1 % des Français interrogés déclaraient vouloir acheter du mobilier. Ils sont désormais 27,3%, soit 7 millions de consommateurs potentiels.
La clé 2009 et du début de l’année 2010 reste la fréquentation. Ceux qui ne vont pas vu redémarrer leur business en début d’année 2010 comme l’ensemble du marché se posent des questions et ont des raisons de s’inquiéter. Ils comprennent que le produit ne suffit plus et se demandent vers quelles enseignes se tourner ?.
L’autre élément clé est la prise de conscience très forte que les zones de chalandise sont en train de bouger très vite. Cela perturbe beaucoup les acteurs du meuble car ils sont propriétaires de leurs murs et peu mobiles géographiquement.

5- SB : Début 2009, Ikea était devenu le numéro un du marché français, ce qui constituait une petite révolution, selon vous. Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur l’enseigne suédoise ?
Christophe Gazel : En 2009, Ikea a continué de gagner des parts de marché en France, mais cela s’est mieux réparti que les années précédentes. On peut pointer le réveil de But, celui de Conforama, la poursuite de l’animation d’Alinea, le gros travail de certains cuisinistes et la perte de vitesse de certains spécialistes du salon.
Pendant 15 ans, Ikea a bousculé tout le monde pour devenir le leader. Il l’est depuis janvier mais maintenant il va devoir regarder dans leur rétroviseur. Ikea fait partie désormais du marché du meuble, qu’il a dynamisé. Aujourd’hui, tous les acteurs se positionnent par rapport à lui !

NB : Comme chaque année, l’Institut de Promotion et d’Etudes de l’Ameublement (IPEA) publie son Meubloscope. La 14ème édition du Meubloscope est disponible on line sur le site de l’Ipea. L’exemplaire 2010 donne un panorama complet et détaillé de la consommation de meuble des ménages français en 2009 et la répartition des ventes détaillées par circuits de distribution. Il donne également des pistes de réflexion pour l’année en cours.

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