Dossiers de la franchise
Comment lancer son entreprise en touchant le chômage ? Le cas de la franchise
Bon nombre d'entrepreneurs se lancent après une première expérience professionnelle salariée. Certains parce que la perspective de rester salarié les rebute, d'autres par désir parfois précoce de devenir leur propre patron, voire de s'enrichir. Allocataires de France Travail, ils disposent alors, selon leur profil et le niveau de droits acquis, de dispositifs pour entreprendre. Et ils peuvent envisager d'y consacrer une partie de leur capital ou de leur rente à un projet de création en franchise. Jeunes candidats en transition professionnelle, cet article fait le point sur les dispositifs existants et sur les points à considérer pour mettre vos allocations au service de votre projet. Avec les explications complètes d'Olga Romulus, Directrice des Relations Extérieures de Fiducial et Membre du Collège des Experts de la FFF, et un zoom sur le cas du réseau Phone Cash avec son fondateur Anthony Boulanger.
De quels dispositifs en vigueur parlons-nous ?
En raison de la confusion qui règne parmi des dispositifs d’aide aux acronymes très proches, une clarification est nécessaire.
L’ACRE, le pilier.
L’Aide à la Création ou à la Reprise d’une Entreprise est un dispositif visant à encourager les entrepreneurs à créer ou reprendre une entreprise. Son bénéficiaire profite alors d'une exonération de cotisations sociales pendant 12 mois.
L'exonération peut être totale ou partielle, et elle porte sur les cotisations d'assurance maladie, maternité, retraite de base, vieillesse, invalidité, décès et d'allocations familiales.
L’ACRE est ouverte aux personnes qui créent ou reprennent une activité professionnelle ou qui entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée que ce soit à titre indépendant ou sous la forme d’une société (SARL/EURL, SAS/SASU, SA, etc) - sous conditions de détention du capital.
Enfin, le montant de l’exonération dépend du revenu annuel du bénéficiaire : elle est totale s’il est inférieur à 75% du plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS) soit < 35 325 €, dégressive si ce même revenu est compris entre 75 et 100% dudit plafond – soit entre 35 325 et 47 100 €, et l’exonération n’est pas applicable si ce revenu dépasse le plafond (47 100 €).
Les aides des régions (remplaçant l’ex-NACRE)
Supprimé en 2017, le Nouvel Accompagnement à la Création ou la Reprise d'Entreprise consistait à accorder aux néo-entrepreneurs souhaitant se lancer ou reprendre une activité, un prêt à taux 0 de 1000 à 10 000 €.
Si le NACRE a disparu en tant que dispositif national, les régions en proposent désormais des alternatives. Pour en bénéficier contactez les structures d'accompagnement locales, telles que les Chambres de Commerce et d'Industrie (CCI), les Chambres de Métiers et de l'Artisanat (CMA) ou d'autres organismes spécialisés dans l'aide à la création d'entreprise.
Par exemple en Ile-de-France, son équivalent s’appelle « Entrepreneur #Leader ».
L’éligibilité jumelée à l’ARE ou à l’ARCE
Olga Romulus rappelle qu’un créateur éligible à l’ACRE le sera également à deux aides jumelles, et qu’il faut choisir l’une ou l’autre puisqu’elles ne se cumulent pas.
La première est l’Allocation d’Aide au Retour à l’Emploi (ARE). « Elle permet à l’allocataire de créer son entreprise tout en percevant ses indemnités chômage. Si elle est perçue en plus de la rémunération éventuellement générée par sa nouvelle activité, elle est recalculée tous les mois, pour qu’il y ait un juste équilibre. Vous pouvez ainsi toucher l’ARE à plein, puis avoir une dégressivité selon ce que vous générez comme revenu par votre exploitation. Retenez qu’il y a un principe de vase communicants et que vous ne pourrez pas jouer sur les deux tableaux », détaille l’expert-comptable.
La seconde est l’Aide à la Reprise ou à la Création d’Entreprise (ARCE). « Ici également, France Travail repart de vos allocations chômage, mais calcule l’intégralité de vos droits à date. Ainsi, vous pouvez en percevoir 60% sous la forme d’un capital en une seule fois. Typiquement, l’ARCE peut servir à compléter un apport personnel », poursuit-elle.
Si les deux dispositifs ont la même source, ils obéissent à deux stratégies distinctes. « Dans le cas de l’ARE, vous allégez vos charges d’exploitation et optimiser votre résultat tandis qu’avec l’ARCE vous choisissez plutôt de booster votre apport personnel. Etant rappelé aussi qu’en règle générale, pour un 1 € d’apport, la banque vous prêtera 2 €. »
Selon votre situation et vos objectifs, votre expert-comptable pourra vous aider à choisir entre les deux.
Retrouvez également notre article « Futurs franchisés, découvrez toutes les aides disponibles pour créer votre entreprise ! »
Les responsabilités des futurs franchisés en contrepartie des aides reçues
Tout d'abord,un petit rappel de quelques chiffres : 2 035 réseaux de franchise [1] - 92 132 points de vente franchisés [1] - 1,1 million de nouvelles structures créées en 2022 [2]- 1 entreprise sur 3 est créée par un demandeur d’emploi [3] - 90% des entrepreneurs passés par France Travail bénéficient d’indemnisations (ARE ou ARCE) [4]
[1] https://www.franchise-fff.com/entreprendre/la-franchise-c-est-quoi/ - [2] https://www.unedic.org/publications/chefs-d-entreprise-et-assurance-chomage-premiers-elements - [3] https://www.francetravail.fr/region/normandie/candidat/la-creation-dentreprise--pourquo.html?utm_source=chatgpt.com - [4] https://www.francetravail.org/accueil/actualites/2024/notre-role-reperer-les-demandeurs-d%27emploi-porteurs-de-projet-et-les-accompagner.html?type=article&utm_source=chatgpt.com
Ainsi, si être éligible à des aides au chômage est salutaire, cela ne vous exonère pas de contreparties et d'une certaine responsabilité.
Un terme programmé ...
Ce dispositif est surtout là pour sécuriser la création de l’entreprise franchisée, et son impact est de court terme puisqu’il va cesser ses effets brutalement ! Alors autant en faire un levier de succès. « À terme, votre modèle économique doit générer suffisamment de cash flow et de revenus pour pouvoir rembourser votre emprunt bancaire. D’où l’importance d’un bon Business plan, on y revient toujours ! », rappelle Olga Romulus.
De même si vous avez besoin d'un revenu mensuel, « vous devez faire en sorte que le fruit du travail fourni dans votre point de vente crée une valeur compensant votre allocation, une fois celle-ci arrivée à son terme », poursuit-elle.
Un raisonnement qui s'entend pour vous ou pour la ressource que vous auriez éventuellement choisi d'engager pour le confort de votre gestion.
Un accent à mettre sur les contreparties et la responsabilité du porteur de projet
Mais il y a un écueil à considérer que de telles aides constituent un droit acquis et de chercher à les engranger au maximum.
«Ces aides sont une belle opportunité et doivent être consacrées à donner les moyens aux entrepreneurs de créer de la richesse, en leur donnant l'impulsion dont ils ont besoin au démarrage », glisse-t-elle.
Ces entrepreneurs ont donc un devoir moral et économique à en faire le meilleur usage possible. « Disons-le tout net : vous êtes obligé de réussir, d'investir sur votre territoire voire d'y créer de l'emploi si votre modèle le permet ! », assure-t-elle.
Zoom sur ... l'approche de Fiducial
Généralement, les business plans sont établis avec une visibilité sur 3 ou 5 ans. « Néanmoins pour l’année 1, les projections sont souvent plus fines - au mois le mois pour le plan de trésorerie, pour savoir vraiment ce que le créateur doit allouer comme charges, y compris à des postes tels que le recrutement avec en face le chiffre d'affaires attendu à générer », détaille sa directrice des relations extérieures.
Par exemple, le franchisé d’une enseigne de coiffure va prévoir qu’un coiffeur génère sur l’année 50 K€ de CA, même si c’est avec une montée en puissance progressive, le temps de s’intégrer. Mais s'il constatait que cela ne fonctionne pas, il devrait ajuster sa masse salariale ou bien décaler son projet de recrutement.
Les secteurs et activités en franchise particulièrement adaptés pour les personnes utilisant le chômage comme levier de financement
Certains secteurs et concepts se prêtent davantage que d'autres à l'usage des aides au chômage. Autant l'avoir en tête avant de vous lancer.
Des sommes relativement limitées et à moindre impact pour de gros projets
Comme Olga Romulus le rappelle, « ce sont des sommes plutôt modestes, soit quelques dizaines de milliers d'euros tout au plus. Leurs effets sont donc limités et plus propices au soutien de la création de petites et moyennes structures », souligne-t-elle.
Donc si un candidat s’oriente vers des concepts plus capitalistiques et nécessitant de forts investissements (hôtellerie, restauration à thème... où l'enveloppe globale dépasse facilement le million d'euros), ou un fort BFR au démarrage, cela ne suffira pas. Vous devez avoir cette réalité en tête avant d'imaginer en faire un levier stratégique !
Ces aides ne sont pas là pour rendre l’intégralité du projet viable. « Elles sont parfaites pour les créations dans des secteurs de type SAP, micro-franchises et tous concepts à TPE, où elles apportent un vrai effet de levier, quasiment à la hauteur de l’apport personnel, et si le candidat opte pour un déblocage anticipé de ses droits », précise la représentante de Fiducial.
L'importance de démarrer au plus tôt avec des droits pleins
Enfin, il faut préciser que ces dispositifs fonctionnent mieux lorsque vous êtes en début de droit et que vous avez des droits complets.
« Si vous vous intéressez à prendre une franchise, alors que du temps s’est écoulé depuis votre début d'inactivité, et que vous avez déjà bénéficié d’une large partie du versement de vos allocations, ces aides seront moins décisives », prévient Olga.
Il vaut donc mieux intégrer cette stratégie dès le début de votre période de chômage, ce qui n’est pas toujours le cas, notamment si vous découvrez la franchise sur le tard.
Les erreurs et écueils courant à éviter chez les candidats utilisant ces aides pour se lancer en franchise
Parfois les franchisés se font de fausses idées et ils doivent apprendre à user avec discernement de ces aides.
Penser que cela remplace le coeur du financement
Olga Romulus déplore une certaine inconscience chez les candidats, imaginant que leurs allocations suffiront pour lancer leur business. Mais gare au miroir aux alouettes selon l'expert-comptable, car ces aides sont surtout là pour consolider leur financement en complétant leur apport.
« Par exemple, l'apport personnel les aide à acheter leur matériel, à gérer leur BFR initial pour payer leurs charges fixes avant le démarrage effectif de leur exploitation. Ce complément de financement intervient sur les postes partiellement voire pas du tout finançables par emprunts bancaires », analyse-t-elle.
Vouloir se payer trop vite
Selon le niveau de droits acquis ou restants, le jeune franchisé jouit d'une sécurité supplémentaire. Surtout, il a la possibilité de percevoir ses allocations en guise de rémunération. « Car s'il se verse une rémunération trop vite, cela va prématurément peser sur sa structure. Mais s'il lui reste des droits conséquents, ça peut l'aider à tenir plusieurs mois voire une année », argumente l'experte.
Se reposer sur ses lauriers ...
Pouvoir compter sur ce filet de sécurité est confortable. Mais les jeunes franchisés ne doivent pas tenir leur situation pour acquise.
Aides ou pas, ils oublient que les premiers mois sont déterminants dans le lancement de leur affaire. Ils acquièrent leur autonomie, des réflexes opérationnels et de gestion et se font connaître de leur marché. S'ils pensent que ces aides les dispensent de tout donner, ils risquent la douche froide ! « Encore une fois, les aides au chômage ne sont pas un pansement. Elles ne compensent ni une mauvaise gestion, ni un concept déficient, ni un manque d'engagement du franchisé. Et elles combleront encore moins les pertes d'exploitation qui en découleraient ! » insiste notre experte.
Cas pratique : le cas Phone Cash
Anthony Boulanger, dirigeant de l’enseigne Phone Cash, nous livre sa vision de cette problématique.
Anthony Boulanger, comment de futurs franchisés devraient-ils utiliser leurs allocations chômage pour lancer leur entreprise dans votre réseau ?
En année 1, nous préconisons plutôt au jeune franchisé de vivre de ses allocations. Cela lui permet de réduire les frais de fonctionnement de son entreprise et d'en maximiser la trésorerie à l’issue du premier exercice.
À mon sens, cette période est cruciale et doit évacuer un maximum de risques qui pourraient compromettre la suite de son aventure entrepreneuriale, franchise ou non. Je vois donc les indemnités de chômage comme un levier - presque une sorte d’ascenseur social, plutôt qu’une rente !
Quels conseils donneriez-vous pour maximiser les avantages des aides liées au chômage lors de la création d’une franchise ?
Il est évidemment préférable que le candidat ait obtenu une rupture conventionnelle de la part de son ancien employeur, même si certains cas de démission ouvrent désormais des droits.
Mais quoi qu'il en soit, je recommande au jeune exploitant de puiser dans ses indemnités en guise de revenu mensuel, plutôt que d'opter pour un capital en vue d'alimenter leur apport personnel. Par son apport, le candidat matérialise aussi mieux l'investissement et l'effort patrimonial que cela lui demande.
Votre réseau a-t-il une expérience spécifique avec des entrepreneurs qui ont utilisé leurs allocations chômage pour démarrer ? Quels en sont les résultats ?
Oui car la majorité de nos franchisés ont bénéficié du chômage en première année. En suivant la logique décrite précédemment, ils n'ont pas eu besoin de se verser de salaire. Ça a non seulement minimisé leurs charges, mais également maximisé le cash disponible à l’issue du premier exercice.
Cela leur a donné une véritable sécurité pour la suite, mais aussi pour envisager d'investir voire de se multi-franchiser plus rapidement !
Avez-vous mis en place des partenariats ou des dispositifs spécifiques pour accompagner ces candidats, comme des facilités de trésorerie ou des formations dédiées ?
Au premier niveau, Phone Cash leur offre les deux premiers mois de redevances. Ensuite, nous négocions avec le bailleur du franchisé les 2 premiers mois sans loyer, grâce à nos accords avec des foncières de premier plan en France. De plus et fort de notre référencement, nous négocions avec son banquier pour qu’il n’y ait pas de remboursement de crédit sur 3 à 6 mois. Et si vous ajoutez à cela le bénéfice d'un dispositif d'accompagnement à la création avec France Travail, nos franchisés démarrent avec un bon niveau de sérénité.
Pour conclure, dans un contexte de creusement de la dette et de raréfaction de l'argent public, c’est un formidable atout de pouvoir bénéficier de tels leviers de création d’entreprise lorsqu'on est en transition professionnelle. Rappelons que France Travail reste le premier incubateur du pays ! Il n'y a aucune raison que les futurs franchisés n'en bénéficient pas, à condition d'être conscients de leurs responsabilités. Alors prenez le temps de parcourir L’Observatoire de la Franchise pour mûrir votre projet et faire le tour de tous les leviers de financement du marché.
Pour compléter votre information, découvrez :
o Comment financer son projet d’entreprise à 20 ans ? Le cas de la franchise
o Comment devenir un jeune entrepreneur avec la franchise en 2025 ?
o Ces secteurs porteurs à envisager pour entreprendre en franchise

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Conseil éditorial depuis 2017, Nicolas Coutel dispose de quinze ans d’expérience en marketing et communication - dont 10 ans chez Mazars où il a contribué au développement d’une offre de service à destination des réseaux de franchise.
C’est sur cette base qu’il décide de créer son activité, pour se consacrer à l’écriture de contenus pour les enseignes et leur écosystème de conseils.
Titulaire d’une maîtrise en droit public, Nicolas est également diplômé du programme Grande Ecole de Neoma Reims et d’un Master 2 en Sciences de gestion. Féru de développement personnel, il est aussi titulaire d’un certification en coaching professionnel.
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