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Comment bien utiliser l’IA pour créer de la valeur dans votre réseau de franchise ?

La transformation digitale accélère le temps des réseaux de franchise et leur donne un sentiment d’urgence. Mais le passage du digital à l’IA leur offre aussi de formidables opportunités d’améliorer leur pertinence et leur compétitivité dans un environnement souvent qualifié de VUCA[1]. Alors comment les franchiseurs peuvent-ils prendre l’intelligence artificielle à leur compte ?

[1] Acronyme Anglo-saxon désignant un environnement caractérisé par la volatilité, l'incertitude, la complexité et l'ambiguïté.

Comment bien utiliser l’IA pour créer de la valeur dans votre réseau de franchise ?

Pour aborder le vaste sujet de l'IA dans les réseaux, nous vous proposons quelques clés, avec les regards croisés de Gwénaël Robert, Chief Digital Officer de Bertrand Franchise (Au Bureau, BURGER King, Hippopotamus, Itsu, Jôyô, Léon, Pitaya, Volfoni) , et Julien Siouffi, Président de Franchise Board et membre du Collège des Experts de la FFF.

Contexte et promesses de l’IA envers les réseaux

Si les IA génératives démocratisent l’usage de l’intelligence artificielle pour les entreprises, la promesse de valeur de cette dernière est bien plus large, notamment pour les réseaux de franchise.

Le contexte de survenance de l’IA

L’IA et ses différentes applications s’inscrivent dans une numérisation accélérée de la vie économique et commerciale - la crise sanitaire ayant aussi préparé le terrain.

Il y a 10 ans, l'informatique n'était pas systématiquement connectée, et la data était moins accessible. Mais la digitalisation des processus et l’intensification du recours aux outils SaaS ont changé la donne.

Quelques chiffres sur l'IA dans les réseaux

Dans la dernière édition de l’étude de la franchise (Banque Populaire et FFF) :

  • 36% des franchiseur utilisent ChatGPT dans leur activité
  • 64% considèrent que c’est une opportunité.

Et leurs attentes en matière d’IA sont de :

  • Optimiser la communication (56%)
  • Mieux comprendre les clients (45%)
  • Améliorer le service client (43%)
  • Personnaliser davantage l’expérience (42%)

Les promesses de l’IA aux réseaux de franchise

Pour commencer, les facultés d’automatisation des IA augurent des gains de productivité auxquels tout franchiseur est sensible. Rappelons que sa mission est de faire converger les pratiques, avec des équipes réduites et un contexte relationnel d’interdépendance.

Ensuite, les enseignes peuvent gagner en capacité d’anticipation et de planification. Pour Julien Siouffi : « L'IA porte une promesse de prédictivité et le franchiseur vend une prévisibilité de succès. Il n’y a qu’à voir par exemple comment une solution comme Inpulse aide les restaurateurs à optimiser leurs achats depuis des prévisions de chiffre d’affaires, une analyse de l’existant et du deep learning.» Nous y reviendrons.

Les IA génératives proposeront par exemple aux restaurateurs des recettes et des assemblages inédits

L’IA peut également dépasser aider à booster l’innovation des réseaux, nécessaire à leur qualité de franchise. Si l’on excepte le risque d’hallucination, les IA génératives proposeront par exemple aux restaurateurs des recettes et des assemblages inédits. Gwénaël Robert, Chief Digital Officer de Bertrand Franchise, prédit par exemple que l’on pourra générer « des recettes de cocktail à la demande, selon un mood spécifique et sous un nom original. Une fiche technique sera alors générée en automatique, puis envoyée en production au barman. »

Au-delà, c’est « le mode même de collaboration entre franchiseur et franchisé qui va changer, et pour plus de partage d’information et d’horizontalité », selon le dirigeant de Franchise Board. Il parle même d’une « IA injectée dans la relation franchiseur / franchisé » au bénéfice du client final du concept.

Un déploiement encore timide malgré le bruit médiatique

Hormis certains secteurs en pointe comme la restauration, l’IA demeure faiblement déployée. En effet les solutions full IA sont encore en phase de conception et face aux tâtonnements marquant les éditeurs d’IA génératives (rapprochements, partenariats, montées de versions…), il est normal que les franchiseurs demeurent prudents.

Sachant aussi que « les réseaux de franchise reconnus et installés sont encore majoritairement empreints de la culture juridique et contractuelle de la distribution, à deux entre le franchisé et le franchiseur. Alors que c'est une logique de collaboration à trois et au service du client, qui prévaut dans l'univers de la franchise data-driven », assure notre consultant.

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Périmètre d’application et cas d’usage

S’agissant de la franchise, nous pouvons répartir les cas d’usage de l’IA en deux sphères complémentaires.

La sphère productive

Ici, le franchiseur veut améliorer son efficacité opérationnelle et l’expérience client proposée. Prenons le cas du secteur le plus avancé : la restauration.

En matière d’expérience client tout d’abord, les écrans interviennent de plus en plus en front office, de la prise de commande au paiement. L’équipier doté d’un PDA peut accéder en temps réel à l’historique client pour améliorer son échange avec lui. « Grâce à l’IA, on pourrait disposer d’un salarié augmenté, vers lequel on distribue de l’expertise en bout de chaîne ! », décrypte notre témoin.

Côté productivité, l’IA est encore peu présente en cuisine. « Si l’outil Inpulse assure une prédiction des ventes sur de grandes masses, à l’échelle d’un service c’est plus difficile. Car en restauration, c’est au niveau du service que se règle le modèle économique. Idem s’agissant de tenir compte des prévisions météorologiques », rapporte le responsable. En revanche, la gestion des commandes et des plannings derrière est plus facile, surtout si les restaurateurs parviennent à remplir leur salle.

Toujours en cuisine, on peut faire interagir un équipier novice avec une IA sur écran qui le guiderait pas à pas. « En cuisine, l’IA pourrait rapprocher les manuels opérationnels avec les équipiers notamment en phase d’apprentissage de recette à travers les écrans de cuisine par exemple ». Même si Gwenaël Robert assure que le Groupe Bertrand n’en est pas encore à ce stade.

S’agissant de la relation client, l’IA peut personnaliser davantage les interactions. Les chatbots et les assistants à base d’IA offrent un service clientèle 24/7, utile à la satisfaction et la fidélisation.

Zoom sur … les avis clients. Ils constituent un sujet important pour l’IA. Si les marques incitent leurs clients à interagir avec elles pour donner leur avis et des notes, « notre IA générative nous aide à les transformer en phrases et en critères, puis à analyser ce qui en ressort pour détecter des signaux faibles », détaille le responsable digital. Ensuite, la solution automatise les réponses selon différents paramètres (la commande, les réponses, l’historique d’interaction …). Il faut que la réponse soit personnalisée et adaptée, et chaque fois différente. Sachant que cette pratique diffère entre nos enseignes, selon l’état du système d’information et des données disponibles », concède Gwénaël Robert.

La sphère support et « animatrice »

L’IA professionnalise le franchiseur dans l’exercice de son métier, depuis les fonctions support jusqu’à la direction du réseau, en passant par la formation, l’assistance ou la communication.

Selon Julien Siouffi, cette IA plus interactive que générative personnalisera davantage l’expérience franchisé grâce au traitement des données. Notre expert imagine le franchisé doté d’un assistant « capable d’analyser les chiffres de son exploitation, les caractéristiques de la zone et l'environnement concurrentiel, puis de générer des plans d'action personnalisés et ajustables en temps réel, tout en garantissant le respect du concept.»

Une perspective radicalement nouvelle où l’ « animation à l’ancienne » et vue comme une contrainte, n’aura plus sa place. Il n’est plus question de temps limité et d’un service produit à, coût salarié chargé, mais d’un dispositif recourant massivement à la data et permettant un suivi plus fin de sa roadmap et de ses indicateurs.

Car au-delà de l’animation, l’IA facilite aussi le pilotage par la data financière avec une acuité et une transparence inédites. En effet selon le consultant, « CA, achats, salaires, charges et résultat opérationnel sont des data simples à exploiter, puisque les experts-comptables s'en occupent déjà, et que la facturation électronique standardise les processus. »

Demain plus besoin de décrire les modes opératoires dans un manuel

Autre domaine et non des moindres, la mutation du rapport au savoir-faire. Demain plus besoin de décrire les modes opératoires dans un manuel, puisque les outils digitaux sont déjà fortement normatifs dans leur paramétrage. « Aujourd’hui une hôtesse de caisse suit aujourd'hui un processus d'encaissement par ordinateur, incluant des bonnes pratiques de type "proposer un supplément", "prendre les coordonnées", "expliquer le programme de fidélité". La bible réseau cèdera la place à la fraction de savoir-faire dont l’opérateur aura besoin, au bon moment et sous la forme qu'il préfère», pointe Julien Siouffi.

Il existe encore d’autres domaines où l’IA peut créer de la valeur (communication, RH, commercial…), même s’il faut rester vigilant quant au risque réputationnel que font peser de tels workflows.

Limites et domaines de vigilance de l’IA franchiseur

Les limites de l’IA franchiseur à l’heure actuelle

Elles sont encore fortes et peuvent alimenter la réticence des franchiseurs.

Tout d’abord la technologie et les modèles sont instables. « Non seulement les éditeurs ne communiquent pas sur leur roadmap mais en plus, une même requête changera au fil du temps dans son contenu. Ce qui présente un risque compte tenu de la portée “industrielle” et du besoin d’homogénéité de la franchise », argumente Gwénaël Robert.

Si on pointe régulièrement les hallucinations et biais des IA, Julien Siouffi tempère expliquant que « la data et à la traçabilité les rendent aisément repérables et compensables, donnant alors des éléments de preuve. »

Ensuite, les éditeurs d’IA génératives ne rassurent toujours pas quant au respect de la confidentialité des données injectées sur leur plateforme. Quand dans un même temps, les enseignes doivent garantir une utilisation éthique et transparente de l’IA, tout en respectant les réglementations en matière de confidentialité des données …

En outre, les solutions d’IA restent encore largement cantonnées à des usages spécifiques, plutôt en back- et en silo. Pour le responsable digital du groupe de restauration : « si elles sont fortes pour automatiser, elles ne permettent pas encore d’effectuer un pilotage multi-projet, cross métiers. Il manque encore un workflow global, un chaînage, mais c’est une question de temps.»

Par ailleurs, passer à l’IA nécessite aussi des investissements importants en termes de technologie, de formation et de culture organisationnelle. Pourtant, « les franchiseurs établis rencontrent plus de difficultés au changement comparé à des acteurs nés avec et par le digital, qui eux renversent la table. Le digital a toujours fait émerger des acteurs plus compétitifs », rappelle le président de Franchise Board.

Les domaines où la vigilance reste de mise

L’IA en quête de déontologie

Pour Julien Siouffi, ce n’est pas tant l’outil que l’humain qu’il faut blâmer. « Comme l’IA permet de voir beaucoup de choses, et que les franchisés échangent de plus en plus (par exemple en groupes WhatsApp), elle maximise les bonnes pratiques comme elle révèle d’éventuels dysfonctionnements du réseau. En revanche, des questions éthiques se posent dans la mesure où « les franchiseurs doivent assurer un apprentissage "sain" de la machine, qui ne soit pas biaisé en leur seule faveur.» Un déséquilibre qui est visible dans le contrat de franchise, mais qui est plus diffus dans les résultats des prompts et le temps faisant.

Vers une dépendance à l’IA …

Ce n'est pas parce qu'une recommandation émane de l'IA qu'elle doit devenir obligatoire. Bien qu’assistée par l’IA, l’assistance du franchiseur doit respecter l'indépendance du franchisé. Or nous sommes dans une situation où le franchiseur serait l'unique propriétaire de l’IA commune, bien qu’elle soit alimentée par les données de tout un réseau.

En fait, une IA performante va autant procurer un avantage concurrentiel essentiel au franchisé, qu’elle pourra entretenir sa dépendance. Julien Siouffi va plus loin et pose même la question d’une copropriété de l’IA. « Pendant la relation contractuelle, on n’y pense pas mais quid à son terme ? C’est un concept nouveau, qui sera probablement arbitré a posteriori par la jurisprudence », prédit l’expert.

Pour sa part, Gwénaël Robert pointe un risque voisin, celui de la dépossession du métier. Car à force d’aller sans cesse plus loin, l’expérience client risque de passer majoritairement aux mains des prestataires technologiques. « La seule chose qui restera à l’exploitant sera l’automatisation de la production… jusqu’à la robotisation des cuisines ! Certes nous n’en sommes pas encore à une taylorisation des cuisines, mais rappelons que McDonald’s a déjà sorti son 1er restaurant 100% automatisé », rappelle le Chief Digital Officer.

… même si l’essentiel reste dans l’assiette !

Ce dernier aime bien mettre en balance l’expérience connectée Vs l’expérience authentique. Pour lui la restauration nécessite un équilibre, et « les restaurateurs doivent s’adapter à une clientèle connectée qui ne comprend pas qu’on ne le soit pas. » Un brouillage des frontières entre les deux peut être déstabilisant.

Pour autant, il explique ne jamais céder à la précipitation. « Bertrand Franchise a la chance de disposer d’un portefeuille de marques et de moyens qui lui permettent de tester différentes solutions à différents endroits. Cela nous permet de multiplier les tests pour ensuite décider laquelle nous devons ensuite roll outer », conclut-il.

L’IA ne peut laisser les professionnels de la franchise indifférents, et s’en désintéresser handicaperait leur compétitivité future. Toutefois, son déploiement dépend encore de nombreuses inconnues, d’autant que les grands réseaux ne sont pas nécessairement les mieux placés compte tenu de leurs freins au changement.

Si son potentiel de valeur ajoutée est indéniable, les franchiseurs devront naviguer avec prudence en l’équilibrant avec les préoccupations légitimes de leurs franchisés.

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Nicolas Coutel
Conseil éditorial - rédacteur
Nicolas Coutel

Conseil éditorial depuis 2017, Nicolas Coutel dispose de quinze ans d’expérience en marketing et communication - dont 10 ans chez Mazars où il a contribué au développement d’une offre de service à destination des réseaux de franchise.

C’est sur cette base qu’il décide de créer son activité, pour se consacrer à l’écriture de contenus pour les enseignes et leur écosystème de conseils.

Titulaire d’une maîtrise en droit public, Nicolas est également diplômé du programme Grande Ecole de Neoma Reims et d’un Master 2 en Sciences de gestion. Féru de développement personnel, il est aussi titulaire d’un certification en coaching professionnel.

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