Dossiers de la franchise

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La Lettre de la Franchise - Janvier-Février 2008

Apposition d’une enseigne concurrente et compétence du juge des référés (Cass. com., 23 octobre 2007, pourvois n°06-16.733 et n°06-16.734 (deux arrêts))

1. On le sait, une fois le contrat de franchise résilié, le franchisé viole parfois son obligation de ‘‘nonréaffiliation’’ en décidant d’apposer une nouvelle enseigne. Cette situation conduit les plaideurs à saisir le juge des référés, juge de l’urgence et de l’évidence, pour lui demander d’interdire immédiatement l’utilisation par le franchisé de l’enseigne concurrente jusqu’à ce que le juge du fond, parallèlement saisi, se prononce sur le bien fondé de la résiliation du contrat de franchise considéré.

D’une manière générale, le rôle du juge des référés est délicat ; juge de l’urgence, il doit prévenir le ‘‘dommage imminent’’ que constitue cette situation qui, par ellemême, est de nature à causer préjudice au franchiseur ; mais, juge de l’évidence, il ne peut cependant se livrer à une analyse trop compliquée des droits et obligations respectives des parties en présence et doit donc limiter son analyse à l’existence d’un trouble ‘‘manifestement’’ illicite, au risque d’empiéter sur les pouvoirs réservés du juge du fond.

Cette problématique bien connue peut inciter certains plaideurs à compliquer le débat de telle sorte qu’il échappe à la compétence du juge des référés, en invoquant soit la nullité de la clause de ‘‘non-affiliation’’, soit les difficultés liées à son interprétation, en particulier lorsque le contrat de franchise est compris dans un ensemble contractuel.

2. Le premier argument, tiré de la nullité de la clause de ‘‘non-affiliation’’, a vécu. L’arrêt rendu le 15 juin 2004 par la Cour de cassation, publié au Bulletin, pose en effet le principe de présomption de validité des contrats, selon lequel le contrat doit être exécuté jusqu’à ce qu’il ait été considéré nul par le juge du fond (Cass. civ. 1ère, 15 juin 2004, Bull. civ. I, n°172, p.143). Cette solution est observée par la plupart des juridictions du fond (CA Rouen, 13 mars 2007, Juris-Data n°332205).

3. Devant le peu de succès rencontré par cet argument, on assiste à l’émergence d’un second, par lequel le franchisé fait valoir que l’obligation de non-réaffiliation prête à tout le moins à une ‘‘interprétation’’ exclusive du caractère ‘‘manifestement’’ illicite du trouble allégué. Il en va notamment ainsi lorsque le contrat de franchise n’est qu’une des composantes d’un ensemble contractuel plus vaste, comprenant également – par exemple – un contrat d’approvisionnement, un contrat de licence de marque ou d’enseigne et, en général, une pluralité d’intervenants. On l’a compris, par cette complexification de l’analyse juridique, le défendeur espère ainsi que l’interprétation à donner à un tel ensemble contractuel n’apparaisse pas avec l’évidence requise devant le juge des référés.

C’est la situation devenue typique à laquelle était confrontée la Cour de cassation dans le cadre des affaires ayant donné lieu aux deux arrêts rendu le 23 octobre 2007.

4. Sans entrer ici dans le détail des faits ayant présidé à la relation contractuelle liant le franchisé et le franchiseur, la position adoptée par la chambre commerciale de la Cour de cassation (V. déjà sur cette question, Cass. com., 12 juillet 2005, Juris-Data n°029580 ; CA Pau, 25 avril 2006, inédit, RG n°05/04072) est particulièrement nette, d’où l’intérêt de ces deux décisions, dont les deux attendus de principe, rédigés en termes identiques, retiennent :

‘‘Attendu que pour dire non établie, au stade du référé, l'existence d'un trouble manifestement illicite occasionné à la société (du franchiseur), au titre de la rupture avant terme du contrat de franchise qui le liait à la société (du franchisée), et de l'apposition immédiate d'une enseigne concurrente, l'arrêt retient que le contrat de franchise encause s'est inscrit dans un ensemble contractuel plus complexe, qui forme un tout indissociable ; Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté la suppression brutale de l'enseigne (du franchiseur) et la commercialisation de produits concurrents, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé (l’article 873 du nouveau Code de procédure civile)’’.

La Cour de cassation porte ainsi un coup d’arrêt à la tentation de ceux qui voient dans l’existence d’un ensemble contractuel la possibilité d’empêcher l’exercice de ses pouvoirs par le juge des référés. Une telle solution dissuade opportunément les comportements dilatoires et garantit une issue rapide en cas de litige.

Renouvellement du contrat de franchise : responsabilité du franchiseur ou nullité du contrat ? (Cass. com., 9 octobre 2007, pourvoi n° 05-14.118)

1. Lors du renouvellement du contrat de franchise, le franchiseur est tenu par une obligation d’information de son franchisé.

Parfaitement connue, cette règle a été consacrée par les juridictions du fond (CA Versailles, 27 janv. 2000 : LPA 2000, n° 237, p. 25 – CA Paris, 6 nov. 1998, RJDA 1999, n° 400. – CA Toulouse, 6 déc. 1996 : Dalloz affaires 1996, p. 392) avant d’être retenue par la Cour de cassation (Cass. com., 14 janv. 2003 : Dalloz, 2003, p. 2429).

2. Sont en revanche bien moins connues les conséquences de l’inexécution par le franchiseur de son obligation d'information lors du renouvellement du contrat.

A cet égard, une distinction essentielle s’impose.

1er cas : Lorsque le franchisé sollicite la nullité du contrat de franchise ainsi renouvelé, il doit alors démontrer que l'information qui lui a été communiquée ou celle dont il a été privé a véritablement vicié son consentement. A défaut de pouvoir rapporter une telle preuve, la demande de nullité du franchisé est vouée à l’échec (Cass. com., 14 janv. 2003, précité).

2nd cas : Lorsqu’en revanche le franchisé sollicite la mise en oeuvre de la responsabilité du franchiseur (et non plus la nullité du contrat de franchise renouvelé), le franchisé n’a plus à démontrer que le défaut d’information a vicié son consentement. Selon l’arrêt rendu le 9 octobre 2007 par la Cour de cassation, en effet, le juge du fond doit simplement rechercher si la faute du franchiseur a causé un préjudice au franchisé.

Existe-t-il pour le franchisé un droit au renouvellement de son contrat de franchise ? (Cass. com., 9 octobre 2007, pourvoi n° 05-14.118)

1. L’arrêt rendu le 9 octobre 2007 a fait l’objet d’analyses divergentes en doctrine, dont certaines laissent à penser que la Cour de cassation aurait instituer un droit pour le franchisé au renouvellement de son contrat de franchise.

Il n’en est rien.

2. L’arrêt retient tout au plus que la « rupture » du contrat de franchise aux torts du franchiseur ouvre droit à indemnisation pour le franchisé. Or, s’il est logique que le franchisé soit indemnisé en pareil cas, il en va tout autrement en cas de « non-renouvellement » du contrat de franchise.
donc sa responsabilité qu'en cas d’« abus » dans l'exercice de celui-ci, abus dont la preuve incombe au franchisé (CA Paris 12 janvier 2005, Juris-Data n°2005-277027).

3. C’est donc l’occasion de rappeler avec force que, sauf stipulations contractuelles contraires, il n’existe ni pour le franchisé ni pour le franchiseur de « droit » au renouvellement du contrat de franchise.

La Cour de cassation affirme régulièrement en effet qu’il n’existe pas de droit au renouvellement des contrats de distribution en général (Cass. Com, 6 juin 2001 pourvoi n°99-10.768 ; Cass. Com, 23 mai 2000, pourvoi n°97- 10.553) et des contrats de franchise en particulier (Cass. com., 5 juillet 1994, pourvoi n° 92-17.918). Dès lors, le franchiseur refusant de renouveler le contrat de franchise n’est pas tenu de motiver sa décision (CA Paris, 23 février 2000, Juris-Data n°2000-108177).

4. Aussi, la jurisprudence retient-elle régulièrement que le non-renouvellement d'un contrat de franchise arrivé à terme est un « droit » pour le franchiseur, lequel n'engage

5. Reste donc au franchisé à qui la décision de refus de renouvellement aura été opposée d’invoquer l’existence d’un « abus » (Cass. Com. 16 mai 2006, pourvoi n°05- 15.794 ; Cass. Com., 18 déc. 2001, pourvoi n°99-11.787 ; Cass. Civ. 1ère, 2 mars 1999, pourvoi n°96-18.549 ; Cass. Civ.,10 mai 1995, pourvoi n° 93-17.665).

Or, on le sait, la preuve de l’abus est d’autant plus délicate à rapporter en pratique que, selon la jurisprudence, elle ne peut résulter de l’expression d’un simple refus (Cass. civ. 3ème, 3 juin 1998, pourvoi n°96-22.518), ni même d’ailleurs du caractère manifestement infondé de ce refus (Cass. civ. 2ème, 14 juin 2006, pourvoi n°04-18.250). C’est dire le peu de possibilités qui s’offre au franchisé.

Approvisionnement et validité de la clause prévoyant le cautionnement du dirigeant de la société franchisée en cas de paiement à terme (CA Limoges, 28 novembre 2007, Juris-Data n°2007-347137)

1. La clause prévoyant le cautionnement du dirigeant de la société franchisée en cas de paiement à terme des marchandises vendues par le franchiseur est-elle valable?

Dans une affaire récente, un franchisé avait signé avec le franchiseur un contrat d'approvisionnement contenant une clause selon laquelle si les marchandises n'étaient pas payées comptant, mais à terme, la société franchisée s'engageait à faire cautionner le montant des marchandises ainsi acquises.

La société franchisée s'étant trouvée dans l'impossibilité de payer comptant les marchandises vendues par le franchiseur, ce dernier accepta de lui consentir des délais de paiement à la condition que la dette soit garantie "par une caution irrévocable", conformément aux termes du contrat d'approvisionnement.

2. Le franchisé – et c’est l’intérêt de cette décision – souleva en vain la nullité de ladite clause.

Selon lui, en effet, le franchiseur avait fait pression sur lui et exploité la situation de dépendance économique de son franchisé pour le contraindre à faire signer un acte de cautionnement à son dirigeant.

L’argument pouvait paraître d’autant plus convaincant que l’acte de cautionnement avait été signé moins de deux mois avant la date de cessation des paiements et de mise en redressement judiciaire de sa société franchisée.

3. La Cour de Limoges écarte l’argument au motif que la contrainte alléguée n'était pas illégitime, dès lors que la fourniture d'une caution avait été envisagée par les deux contractants dès la signature du contrat de franchise.

On perçoit ici tout l’intérêt pour le franchiseur d’insérer une telle clause dans son contrat de franchise.

4. La Cour de Limoges ajoute également que le franchisé n’établit pas en quoi le franchiseur aurait exploité ses difficultés financières pour le contraindre à conclure la convention de cautionnement.

Aussi, selon la Cour d’appel, le franchiseur n’avait pas cherché à abuser des difficultés financières de son franchisé mais l’avait au contraire aidé à éviter un dépôt de bilan en lui consentant des délais pour payer sa dette.

En conséquence, l’acte de cautionnement ainsi consenti était parfaitement valable.

Arbitrage : application du principe « compétence-compétence », ou comment perdre du temps quand on est pressé … (Cass. civ. 1ère, 12 décembre 2007, pourvoi n°06-44.863)

1. L’un des attraits majeurs de l’arbitrage est de permettre qu’une décision confidentielle et définitive soit ordonnée rapidement. S’il est ainsi légitime de vouloir « aller vite » encore faut-il alors saisir le juge compétent. Or, qu’en estil lorsqu’il existe un doute sur l’applicabilité ou la validité de la clause attribuant compétence aux arbitres ? Peut-on saisir le juge étatique ou faut-il néanmoins saisir les arbitres pour les inviter à trancher la question de leur propre compétence ?

2. Le principe dit de « compétence-compétence » répond à cette question ; s’il peut sembler alambiqué, la règle qu’il énonce est simple : il appartient à l’arbitre et à lui seul de statuer prioritairement sur la validité ou les limites de sa propre compétence (le principe). Et, par exception à ce principe, le juge étatique, le tribunal de commerce en général, n’est compétent pour connaître de sa compétence que si et seulement si la clause d’arbitrage sur le fondement laquelle la procédure doit être engagée est manifestement :

  • nulle (1ère exception);
  • ou inapplicable (2nde exception).

3. Quoique la règle soit claire (un principe et deux exceptions), certains plaideurs s’y perdent et la Cour de cassation a donc été amenée à rendre plusieurs décisions de principe sur cette question. Selon la Cour de cassation, le caractère manifestement nul ou inapplicable des clauses compromissoires doit être interprété de manière restrictive : il s'entend donc d'une nullité évidente et incontestable, ne pouvant prêter à discussion. La jurisprudence a ainsi récemment eu l’occasion d’écarter l’application de ces notions lorsque le contrat comprenant la clause compromissoire est lui-même nul ou inexistant (Cass. civ. 1ère, 11 juillet 2006, pourvoi n°04-14.950). La règle est générale ; elle vise tous les types de contrats, tels que notamment les actes de cession de parts (Cass. civ. 1ère, 11 juillet 2006, pourvoi n°03- 11.983) ou les contrats de distribution (Cass. civ. 1ère, 11 juillet 2006, pourvoi n°03-11.768).

4. Les contrats de franchise n’échappent pas à la règle. Ainsi, n’est pas manifestement nulle la clause d’arbitrage qui, insérée dans un contrat de franchise, est rédigée dans les termes suivants : « les arbitres ne seront soumis à aucune règle ni aucun délai prévu au Code de procédure civile » (Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, Juris-Data n°033855) et, en conséquence, seuls les arbitres peuvent apprécier de la validité d’une telle clause d’arbitrage.

De même, une clause d’arbitrage n’est pas manifestement inapplicable lorsque l’objet du litige porte sur de possibles manquements du franchiseur aux obligations précontractuelles d'information prévues par l'article L. 330-3 du Code de commerce (Cass. civ. 1ère, 4 juillet 2006, Juris-Data n°034418) ; dans ce cas également, s’il existe un doute sur l’applicabilité de la clause d’arbitrage, mieux vaut donc saisir les arbitres eux-mêmes, au risque de perdre inutilement du temps.

Et, qu’on se le dise, toutes ces solutions prévalent quelque soit le lieu du tribunal arbitral considéré (Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, pourvoi n°03-12.034).

5. A la vérité, devant l’abondance des décisions rendues par la Cour de cassation, on aurait pu penser que ce type de contentieux se dissipât.

L’arrêt rendu le 12 décembre 2007 par la Cour de cassation vient démentir cette impression.

Dans cette affaire, pour dire un tribunal de commerce compétent, la Cour d’appel d’Amiens a considéré que, la clause d’arbitrage ne visant que les contestations nées de l'interprétation et de l'exécution de l'accord de franchise, les litiges visant la nullité de l'accord lors de sa formation en étaient donc exclus.

Une fois de plus, la Cour de cassation vient sanctionner une telle analyse, en retenant par un attendu de principe qu’il deviendra difficile de ne pas connaître :

« En statuant ainsi, par des motifs insusceptibles de caractériser la nullité ou l'inapplicabilité de la clause, seules de nature à faire obstacle à la compétence prioritaire de l'arbitre pour statuer sur l'existence, la validité et l'étendue de la clause, la cour d'appel a violé le principe (de compétence-compétence) ».

Simon Associés est partenaire deLa Lettre de la Franchise - Janvier-Février 2008

François-Luc Simon
Fondateur, Associé-Gérant, Avocat au Barreau de Paris. Docteur en Droit
François-Luc Simon

François-Luc SIMON est Avocat, Docteur en droit, co-fondateur et Associé-Gérant du Cabinet SIMON ASSOCIÉS, et membre du Collège des Experts de la Fédération Française de la Franchise.

Il co-dirige aujourd’hui SIMON ASSOCIÉS, Cabinet multi-spécialistes d’environ soixante-dix avocats, et travaille à la tête du département Distribution Concurrence Consommation, composé de 10 avocats et 2 juristes. Il intervient au quotidien en conseil et en contentieux, pour les entreprises, les marques et les têtes de réseaux. Son cabinet n’intervient donc jamais pour le compte de franchisés (ou assimilés).

SIMON ASSOCIÉS offre un accompagnement personnalisé à ses clients, adapté à leurs attentes et ajusté aux spécificités de chaque réseau. Le département Distribution Concurrence Consommation intervient toujours dans le souci d’établir une véritable relation de confiance, qui exige « compétence pointue et efficacité opérationnelle, disponibilité et réactivité, qualité, sens de la stratégie et innovation, connaissance et compréhension du client ».

Entre autres distinctions, SIMON ASSOCIÉS a été classé N°1 en droit de la franchise en 2019 par le magazine Décideurs, pour la 5ème année consécutive. Il a été également classé N°1 en droit de la distribution par Le Monde du Droit, en 2019, pour la 4ème fois en 5 ans. Les avocats du département Distribution Concurrence Consommation sont auteurs de nombreuses publications juridiques en droit économique et droit de la Franchise (voir notamment « Théorie et Pratique du droit de la Franchise ») et organisent des événements dédiés à l’actualité juridique (voir notamment Les « Rencontres de Simon Associés ») ou des formations destinées aux avocats et aux juristes d’entreprises (voir notamment les programmes LexisNexis et EFE), dont le détail figure sur www.lettredesreseaux.com, le Site spécialisé de SIMON ASSOCIÉS dédié à l’actualité juridique et économique des réseaux de distribution.

Outre son département Distribution Concurrence Consommation, SIMON ASSOCIÉS dispose de 10 autres départements spécialisés, particulièrement habitués à travailler avec les réseaux de distribution ou de franchise, tels que :

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La complémentarité de ces départements et la compétence des spécialistes qui y travaillent en équipes organisées permettent d’offrir une large gamme de prestations qualitatives au profit des têtes de réseaux, ainsi qu’un gain de temps et d’efficacité.

François-Luc Simon
Fondateur, Associé-Gérant, Avocat au Barreau de Paris
Docteur en Droit
Expert FFF

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