Dossiers de la franchise

le

La Lettre de la Franchise Janvier-Février 2010

La Lettre de la Franchise Janvier-Février 2010

L’obligation de non dénigrement du franchisé (Bilan jurisprudentiel et Clauses protectrices)

1. Parmi les différentes définitions du verbe dénigrer, on retiendra celle du Littré : « s'efforcer par ses discours de rendre noir, (…) d'effacer la bonne opinion que les autres ont de quelqu'un, ou de dépriser la qualité d'une chose ». Le domaine du dénigrement est des plus vastes : à en croire Chateaubriand, il serait même, avec la malveillance, l’un des « deux caractères de l’esprit français » (F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d’outretombe, 1ère Partie, Livre II, Chapitre 1).

2. En droit, cette notion renvoie le plus souvent au domaine de la concurrence déloyale ; le dénigrement y est défini comme le fait de jeter le discrédit sur l'entreprise ou les produits ou services d'un concurrent, en diffusant dans le public des informations délibérément malveillantes (J. Passa, Domaine de l'action en (Bilan jurisprudentiel et Clauses protectrices) concurrence déloyale, Juris-Classeur Concurrence Consommation, Fasc. n°240, 2004, n°29). Le dénigrement se rencontre encore en droit du travail où, lorsqu’il émane du salarié, il est susceptible de constituer une faute grave, rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il existe également en droit de la consommation (v. par ex. CA Paris, 10 juillet 1989, Juris-Data n°023615). Les exemples ne manquent pas. En vérité, aucun domaine du droit n’est véritablement étranger à cette notion.

3. Et, pas davantage, le droit de la franchise n’échappe-til totalement au phénomène. Si sa manifestation reste extrêmement minoritaire à l’échelle du nombre de franchisés (environ 50.000 selon la dernière enquête FFF/CSA/Banque populaire), la jurisprudence se fait parfois l’écho de comportements s’assimilant à de véritables actes de dénigrement, manifestés par des franchisés (ou d’anciens franchisés) à l’égard du franchiseur lui-même voire, plus largement encore, de l’enseigne et/ou du réseau tout entier. L’esprit de collaboration et l’intérêt commun qui doivent présider au contrat de franchise se détériorent alors au point que le franchisé, non content d’adresser des reproches au franchiseur, cherche en outre à en noircir publiquement l’image. Qu’en est-il alors de la notion de dénigrement en matière de franchise ? Quelles conséquences le droit réserve-t-il au dénigrement commis par le franchisé à l’encontre du franchiseur ? Quelles sanctions peuvent être envisagées ? De quelle manière le contrat de franchise peut-il optimiser la situation du franchiseur à cet égard ?

4. L’examen de la jurisprudence permet de répondre à ces questions. Il convient alors de dresser le bilan de la notion de dénigrement en matière de franchise (I) avant d’en présenter le régime juridique (II).

I. Franchise et notion de « dénigrement »

5. L’examen de la jurisprudence conduit à distinguer deux catégories de critères, dont le rappel permet de mieux appréhender la notion de « dénigrement » : il convient de différencier les critères permettant de caractériser la notion de dénigrement (A), de ceux qui restent indifférents à cette qualification (B).

A. Critères d’identification du dénigrement

6. Présentation – La responsabilité du franchisé, auteur du dénigrement, peut être recherchée en diverses occasions. Les actes caractéristiques d’un dénigrement comportent toutefois un dénominateur commun. Dans tous les cas, en effet, l’acte de dénigrement doit :

  • viser une cible déterminée ou déterminable (§.7),
  • donner lieu à une véritable critique (§.8),
  • faire l’objet d’une certaine forme de publicité (§.9).

7. Cible du dénigrement – De principe constant, le dénigrement doit viser une personne déterminée : concurrent, cocontractant, employeur, etc. La personne qui se prétend victime du dénigrement doit donc être nommément désignée ou, à tout le moins, être rendue identifiable par les termes employés par son auteur (Cass. civ. 1ère, 5 juin 2008, pourvoi n° 07-12.862). Il en va de même en franchise : en pratique, le franchisé vise le plus souvent son franchiseur, qu’il critique soit directement (CA Paris, 23 nov. 2006, Juris-Data n°339929), soit indirectement, au travers de sa marque (Cass. com., 24 mai 1994, pourvoi n°92-17.007) ou en remettant en cause le système commercial que constitue la franchise (CA Paris, 24 sept. 2008, Juris-Data n°374047).

8. Acte de critiquer – De principe constant, le dénigrement peut être constitué par la révélation à des tiers d’une inexécution contractuelle (CA Paris, 24 sept. 2008, Juris-Data n°374047) voire d’une procédure judiciaire en cours (CA Paris, 18 févr. 2009, Juris-Data n°006008). En revanche, toute critique, quoique publiquement formulée, ne constitue pas nécessairement un acte qualifié de dénigrement au plan juridique. Ainsi, une critique pourra-t-elle être considérée comme licite si elle s’avère mesurée sur le fond et la forme (CA Paris, 12 févr. 1999, Juris-Data n°101118).

De même, le caractère humoristique de la critique permet parfois d’exclure la qualification de dénigrement (Cass. Ass. Plén., 12 juill. 2000, Bull. A.P. n°7), bien que l’humour n’excuse pas toujours le dénigrement (Cass. com., 30 janv. 2007, pourvoi n°04-17.203). Tout dépend donc du contexte et des termes employés. Ces mêmes considérations se retrouvent en franchise. Commet ainsi un acte de dénigrement, le franchisé critiquant l’inexécution par le franchiseur de ses obligations contractuelles (Cass. com., 24 mai 1994, pourvoi n°92-17.007 ; CA Paris, 23 nov. 2006, Juris-Data n°339929), celui dénonçant l’inorganisation du réseau (Cass. com., 24 mai 1994, pourvoi n°92-17.007) ou remettant en cause le sérieux et/ou la solvabilité du franchiseur (CA Nîmes, 27 juin 1996, Juris-Data n°030264). De même, la critique portant sur la politique engagée par le franchiseur donne lieu à sanction (TGI Paris, référés, 19 nov. 2007, inédit, R.G. n°07/58813 ; CA Paris, 23 nov. 2006, Juris-Data n°339929). On le voit, dans toutes ces hypothèses, le comportement du franchisé exclut la poursuite du contrat de franchise dans la confiance exigée pour sa pleine mise en oeuvre.

9. Publicité du dénigrement – Enfin et surtout, le dénigrement doit nécessairement présenter un caractère « public ». La qualification de dénigrement implique donc toujours de démontrer le caractère public des critiques en cause, quel que soit le domaine considéré (CA Paris, 2 oct. 1987, Juris-Data n°026827 ; CA Versailles, 1er déc. 2004, Juris-Data n° 260213). Ainsi, commet un acte de dénigrement, le franchisé critiquant son franchiseur auprès d’un ou plusieurs franchisés du réseau (CA Paris, 24 sept. 2008, Juris-Data n°374047 ; CA Paris, 23 nov. 2006, Juris-Data n°339929 ; CA Paris, 19 avril 2000, Juris-Data n°132228 ; Cass. com., 24 mai 1994, pourvoi n°92-17.007) ou auprès de la clientèle du réseau (Cass. com., 18 avr. 1989, pourvoi n°87-13.978). Le dénigrement peut également être constitué par le fait de rendre public un procès en cours opposant un franchisé et le franchiseur (CA Paris, 24 sept. 2008, Juris-Data n°374047).

En revanche, la critique adressée « entre quatre yeux » ou sous la forme confidentielle ne peut constituer un tel acte ; de même, une information sur un concurrent diffusée à l’intérieur de l’entreprise de son auteur ne constitue pas un dénigrement (CA Versailles, 1er déc. 2004, Juris-Data n° 260213).

En pratique, le dénigrement opéré par un franchisé peut s’opérer par tout moyen, par écrit ou verbalement, au cours des réunions organisées dans le cadre de l’animation du réseau (CA Paris, 19 avril 2000, Juris-Data n°132228), par la diffusion d’e-mails (CA Paris, 24 sept. 2008, Juris-Data n°374047), ou d’une lettre circulaire (CA Paris, 20 septembre 1994, Juris-Data n°023140), etc.

B. Les critères indifférents à la qualification de dénigrement

10. Plusieurs critères sont indifférents à la qualification de dénigrement. Il importe peu en effet que le franchisé :
- n’ait pas été animé d’une intention de nuire (§.11),
- que ses propos soient exacts (§.12),
- ou qu’il ait agi de bonne foi (§.13).

11. Indifférence de l’intention de nuire – Le dénigrement peut être sanctionné sans que la victime n’ait à rapporter la preuve de l’intention de nuire qui a pu animer son auteur. La solution, qui prévaut également en franchise, est à la fois logique et fondée. Logique, car la preuve de l’intention de nuire ne va pas toujours de soi et qu’il paraît judicieux de protéger la victime en la dispensant de procéder à une telle démonstration. Fondée, car la solution se vérifie en droit, tant en présence d’un franchisé que d’un ancien franchisé.

En effet, lorsque le contrat de franchise est en cours au jour de l’accomplissement du dénigrement, le franchiseur pourra agir sur le fondement de la violation par son cocontractant de son obligation d’exécuter de bonne foi les conventions, obligation prévue à l’article 1134 alinéa 3 du code civil. Or, la violation de ce texte n’exige jamais, pour être constituée, que l’intention de nuire du débiteur de cette obligation soit démontrée. La solution est communément admise par la Cour de cassation (Cass. com., 9 mai 1990, pourvoi n°88-18.654).

En présence d’un franchisé dont le contrat n’est plus en cours au jour du dénigrement, le franchiseur pourra agir sur un fondement délictuel ou quasi délictuel. Or, dans ce cas également, il n’est pas davantage nécessaire de démontrer que l’auteur de l’acte ait eu l’intention de causer un dommage (Cass. com., 18 avr. 1958, Bull. civ. n°148 ; Cass. com., 12 mai 2004, Bull. civ. IV n°88).

Si la notion du dénigrement en tant que manifestation de la concurrence déloyale ou en tant que violation de l’obligation de bonne foi n’implique pas de rapporter la preuve de l’intention de nuire, celle-ci se constate fréquemment en pratique.

En matière de franchise, comme dans tout autre domaine, l’intention de nuire est relevée par de nombreuses décisions qui, tour à tour, la stigmatise en relevant – par exemple – la volonté du franchisé de rendre le réseau exsangue (Cass. com., 24 mai 1994, pourvoi n°92-17.007), ou de débaucher ses anciens cofranchisés, en particulier lorsque le franchisé a cessé d’exploiter l’enseigne pour créer son propre réseau (CA Paris, 23 nov. 2006, Juris-Data n°339929).

12. Indifférence de l’exception de vérité – Contrairement à la solution consacrée en matière de diffamation, la véracité des faits dénoncés dans le cadre du dénigrement ne fait pas échapper son auteur à la sanction. L’exception de vérité (ou « exceptio veritatis ») n’est pas applicable en matière de dénigrement (Cass. com., 12 oct. 1966, Bull. civ. n°393). Peu importe donc que les critiques publiquement formulées à l’encontre du franchiseur s’avèrent en tout ou partie exactes. La solution est logique dans la mesure où il appartient au juge – et à lui seul – de sanctionner le comportement de l’un des cocontractants, et non à telle partie de se faire justice à elle-même en dénigrant son partenaire.

13. Indifférence de la bonne foi – Enfin, la bonne foi de l’auteur du dénigrement est toujours indifférente et ne saurait être opposée à la mise en oeuvre de l’action engagée contre le franchisé ayant dénigré son franchiseur. Ainsi, la simple reprise d’un article déjà paru peut parfaitement constituer un dénigrement ; il en va ainsi notamment lorsqu’un franchisé diffuse au sein d’un réseau les termes d'une enquête mettant en évidence les risques de la franchise (CA Paris, 24 sept. 2008, Juris-Data n°374047).

La solution est également logique dans la mesure où il serait excessif d’exiger de la victime du dénigrement qu’elle rapporte la preuve de la mauvaise foi de son auteur. Une telle démonstration serait même inutile car il importe bien plus de réparer le dommage causé que d’apprécier si la faute qui en constitue l’origine a été commise volontairement ou non.

II. Franchise et régime juridique du dénigrement

14. Si la qualification de dénigrement est opérée selon des critères similaires quel que soit l’instant auquel le comportement incriminé est commis, il en va différemment de son régime. Il convient en effet de distinguer selon que le dénigrement est commis par le franchisé en place (A) ou par un ancien franchisé, postérieurement à sa sortie du réseau (B).

A. Le régime du dénigrement opéré par le franchisé en place

15. Le dénigrement commis par le franchisé appartenant encore au réseau constitue une violation du contrat de franchise (1). A ce titre, sa sanction est nécessairement de nature contractuelle (2).

1. Faute contractuelle

16. Droit commun – Le dénigrement commis par le franchisé constitue une violation de l’article 1134 alinéa 3 du code civil, selon lequel les conventions doivent être exécutées de bonne foi.

A cet égard, la jurisprudence retient que le dénigrement constitue un « manquement à l'obligation de loyauté contractuelle, qui prend un relief particulier entre les parties à un contrat de franchise » (CA Paris, 24 sept. 2008, Juris-Data n°374047).

C’est pourquoi le dénigrement commis par le franchisé est sanctionné alors même que le contrat de franchise ne comporterait pas de clause spécifique l’interdisant (CA Paris, 19 avril 2000, Juris-Data n°132228).

17. Stipulations du contrat – Il est néanmoins préférable d’introduire une clause de non-dénigrement dans les contrats de franchise. Celle-ci pourra déterminer la consistance du dénigrement et facilitera donc la démonstration de la faute commise par le franchisé.

Une telle clause sera d’autant plus efficace qu’elle comportera en outre la sanction attachée au dénigrement et ses modalités de mise en oeuvre (cf. infra, §§. 20 à 22).

2. Sanctions possibles

18. Dommages et intérêts – Le franchisé auteur du dénigrement doit être condamné tout d’abord à réparer l’entier préjudice qu’il a causé au franchiseur (CA Paris, 24 sept. 2008, Juris-Data n°374047 ; Cass. com., 24 mai 1994, pourvoi n°92-17.007).

19.Résiliation du contrat– Le plus souvent, le dénigrement commis par le franchisé emportera également la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs.

La solution est d’autant plus justifiée que, comme le relève la jurisprudence, un tel comportement « exclut toute possibilité de poursuite du contrat dans la confiance exigée pour sa pleine mise en oeuvre » (CA Paris, 24 sept. 2008, Juris-Data n°374047). Cette solution n’a d’ailleurs rien d’étonnant si l’on rappelle les solutions déjà admises dans d’autres domaines du droit. Ainsi, le dénigrement de l’employeur ou de l’entreprise par le salarié est susceptible de constituer une faute grave, et justifie à ce titre le licenciement sans préavis et sans indemnité de préavis en vertu des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, la faute grave constituant « une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis » (Cass. soc., 26 févr. 1991, Bull. civ. V n°97).

Dans certains cas, cette résiliation unilatérale du contrat peut même intervenir sans préavis. Il en va notamment ainsi en présence d’insultes racistes prononcées par le gérant d’une société fournisseur à l’encontre d’un salarié de l’entreprise cliente ; un tel acte constitue un manquement à l’obligation de loyauté dans l’exécution du contrat justifiant la résiliation unilatérale et sans préavis du contrat par l’entreprise cliente (Cass. com., 31 mars 2009, pourvoi n°08-13.964). Si le caractère de gravité suffisant propre à justifier l’absence de préavis est laissé à l’appréciation souveraine des juridictions du fond, la Cour de cassation rappelle régulièrement qu’un comportement qualifié de grave par le juge du fond justifie la résiliation unilatérale du contrat ainsi que l’absence de tout délai de préavis (Cass. civ. 1, 13 oct. 1998, Bull. civ. I n°300 ; Cass. civ. I, 20 févr. 2001, Bull. civ. I n°40 ; Cass. civ. 1, 28 oct. 2008, Bull. civ. I n°211).

20. Clause contractuelle – Dans ce contexte, il reste préférable d’insérer dans le contrat de franchise une clause prévoyant, d’une part, la sanction attachée au dénigrement et, d’autre part, la mise en oeuvre de cette sanction. On retrouve alors la distinction classique entre l’octroi de dommages et intérêts et la résiliation qui, l’un comme l’autre, trouveront leur prononcé facilité lorsque le contrat de franchise les prévoit.

21. Dommages et intérêts – Le contrat de franchise pourra en effet envisager une sanction pécuniaire, le plus souvent sous la forme d’une clause pénale. Si le juge dispose toujours d’un pouvoir de révision en présence d’une clause pénale dont les effets apparaissent comme étant « manifestement excessifs », une telle clause présente trois avantages majeurs.

D’une part, elle est de nature à augmenter le montant de la condamnation prononcée à l’encontre du franchisé et la précaution n’est pas neutre lorsque l’on sait que certaines décisions réservent parfois une réparation modique au profit du franchiseur lésé. D’autre part, cette clause présente un caractère comminatoire pour le franchisé qui préfèrera souvent ne pas courir le risque de supporter une condamnation trop importante. Enfin, l’exécution de l’obligation de non-dénigrement pourra même être garantie par une astreinte conventionnelle visant à faire cesser les actes de dénigrement lorsque ceux-ci sont susceptibles de s’étaler dans le temps.

22. Mise en oeuvre de la sanction – Le contrat de franchise pourra inscrire l’obligation de non-dénigrement au rang des obligations dont la violation justifie la résiliation unilatérale du contrat, sans mise en demeure, ni préavis. La résiliation immédiate du contrat par le franchiseur sera alors substantiellement sécurisée.

B. Le régime du dénigrement commis par l’ancien franchisé

23. En pratique, le dénigrement commis par le franchisé est souvent une manifestation de sa volonté de quitter le réseau. Il peut aussi être réalisé après la sortie du franchisé du réseau, le plus souvent par résiliation anticipée du contrat de franchise. Son régime s’appréhende alors différemment.

En pareil cas, le dénigrement constitue une faute délictuelle (1) et est sanctionné en tant que telle (2).

1. Faute délictuelle

24. Concurrence déloyale – Le dénigrement est une forme de concurrence déloyale dont il représente l’une des catégories classiques. Il constitue donc une faute délictuelle ou quasi-délictuelle de droit commun, fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil (v. par ex. Cass. com., 18 avr. 1989, pourvoi n°87-13.978). Il est donc nécessaire de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre l’un et l’autre.

2. Sanction

25. Dommages-intérêts – La responsabilité de l’ancien franchisé étant de nature délictuelle, la sanction consiste en la réparation du préjudice causé au franchiseur, au moyen de dommages et intérêts.

Selon l’état du droit positif en matière de concurrence déloyale, ce préjudice consiste principalement en une perte de clientèle causant une perte de chiffre d’affaires (Cass. com., 19 juin 2001, pourvoi n° 99-19.697). La réparation du préjudice commercial, consistant en une atteinte à l’image commerciale, est également admise (Cass. com., 20 mai 2003, pourvoi n°01-02.675).

26. Conclusion – Selon le droit commun des contrats, le dénigrement du franchiseur par le franchisé peut être sanctionné par la résiliation du contrat et/ou par l’octroi de dommages et intérêts au profit du franchiseur, selon que le franchisé appartienne ou non au réseau au moment où il commet l’acte de dénigrement.

Pour efficace qu’elle soit, la protection du franchiseur par le droit commun des contrats n’est pas toujours suffisante et mérite d'être complétée par l’insertion de clauses, dans le contrat de franchise, permettant de déterminer les contours de l’obligation de non dénigrement, de fixer les sanctions particulières y attachées et, surtout, de rendre plus efficaces leurs modalités concrètes d’application.

Inexistence du savoir-faire et annulation du contrat de franchise pour dol

(Cass. civ. 1ère, 25 nov. 2009, pourvoi n°08-15.927)

OSi les demandes d’annulation du contrat de franchise pour absence de savoir-faire sont le plus souvent fondées sur le défaut de cause (article 1131 du code civil), le franchisé engage parfois son action en nullité sur le fondement du dol (article 1116 du code civil).

Tel était le cas en l’espèce. Le franchiseur avait indiqué au franchisé avoir créé des méthodes commerciales et un concept particuliers et disposer d’un haut niveau de compétence, transmissible au moyen d’une formation et d’une information sur les perfectionnements et améliorations de la technique concernée.

Postérieurement à la signature du contrat de franchise, il s’était néanmoins avéré que le franchiseur n’avait exercé dans la profession que pendant dix mois avant de se rapprocher du candidat franchisé. En outre, la formation devait être assurée par la fille du franchiseur, qui avait été diplômée dans une autre discipline. Le franchisé sollicitait l’annulation du contrat pour dol.

Devant la cour d’appel, le contrat avait été annulé sur le fondement de l’article 1116 du code civil, la cour considérant que le franchiseur avait usé de « manoeuvres intellectuelles » pour inciter le candidat à signer le contrat. Le pourvoi contestait ce raisonnement, en soutenant notamment que la cour d’appel, qui n’avait constaté aucune allégation mensongère ou de simples réticences portant sur un élément du contrat, ne caractérisait pas les manoeuvres dolosives.

Le pourvoi est rejeté en ces termes : compte tenu de l’expérience du franchiseur et de sa fille, la cour d’appel a pu conclure « qu’en faisant état d’une compétence élevée, Mme X… avait trompé sa cocontractante à l’aide de manoeuvres dolosives ».

La Cour de cassation rappelle par ailleurs la faculté mise à la disposition du juge du fond de fixer le point de départ des intérêts de la créance d’indemnité à une date antérieure à celle de sa décision.

Rupture des relations commerciales et notion de « relation commerciale établie »

(Cass. com., 24 novembre 2009, pourvoi n°07-19.248)

On le sait, l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce énonce qu’« engage la responsabilité de son auteur (…) le fait (…) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie ».

La décision commentée précise le point de départ qui doit être pris en compte pour apprécier le caractère établi de la relation commerciale, dans le cadre d’une affaire opposant un franchiseur à l’un de ses anciens franchisés, dont le contrat était arrivé à terme.

En l’espèce, le franchisé s’était approvisionné auprès du franchiseur après l’intervention du terme du contrat de franchise, qui n’avait pas été renouvelé, puis avait cédé son droit au bail à un tiers.

Assigné par l’ancien franchisé qui souhaitait obtenir la levée du nantissement grevant son fonds de commerce, le franchiseur avait demandé, à titre reconventionnel, la réparation de son préjudice, sur le fondement de l’article L. 442-6 , I , 5° du code de commerce.

La cour d’appel, se fondant sur le fait que le contrat avait été conclu pour une durée déterminée, avait estimé que seule la période au cours de laquelle l’ancien franchisé s’était fourni après le terme du contrat devait être prise en compte au titre de la durée de la relation commerciale.

Cette décision est cassée : « l’intégralité de la relation commerciale établie entre les parties » devait être prise en compte, y compris la durée du contrat de franchise.

Incidence d’une clause excluant l’intuitu personae à l’égard du franchiseu

(Cass. com., 24 nov. 2009, pourvoi n°08-16.428)

Les contrats conclu intuitu personae présentent la particularité, par rapport aux autres types de contrats, de ne pas être transmissibles par l’effet d’une transmission universelle de patrimoine (par exemple par fusionabsorption ou par apport partiel d’actif).

Deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 3 juin 2008 (Bull. civ. IV n°110 et 111) avaient fait grand bruit en affirmant expressément que le contrat de franchise était « conclu en considération de la personne du franchiseur » et n’était donc transmissible ni par fusionabsorption, ni par apport partiel d’actif soumis au régime des scissions. Ces arrêts confirmaient ainsi l’importance de prévoir des aménagements contractuels permettant au franchiseur de céder le réseau sans avoir, le moment venu, à recueillir le consentement de chacun des franchisés, ce qui se révélait difficile, voire impossible dans le cas d’un réseau d’une grande ampleur.

L’arrêt commenté confirme que de telles prévisions requièrent une grande précision de rédaction.

En l’espèce, le contrat prévoyait qu’il était conclu par le franchiseur en considération de la personne du franchisé, et par le franchisé en considération de la notoriété et de l’organisation du franchiseur, indépendamment des personnes qui les contrôlent ou les dirigent. La cour d’appel en avait déduit que le caractère intuitu personae du contrat ne concernait que la personne du franchisé et non celle du franchiseur.

Cette décision est cassée ; la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel « le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut, sauf accord du franchisé, être transmis par l’effet d’un apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions ».

La clause litigieuse n’excluait pas expressément l’intuitu personae à l’égard du franchiseur. Néanmoins, au vu de la force avec laquelle la Chambre commerciale a rappelé le principe, il semble préférable d’adjoindre une clause exprimant le consentement par avance du franchisé à une cession, à la clause excluant le caractère intuitu personae.

Conditions de la « complicité » dans la rupture du contrat de franchise

(Cass. com., 24 novembre 2009, pourvoi n°08-21.629)

Les questions relatives à la complicité d’un franchiseur dans la violation de ses obligations par un franchisé ayant quitté son ancien réseau alimente régulièrement la chronique jurisprudentielle

L’espèce commentée concerne une affaire dans laquelle l’ancien franchiseur reprochait au nouveau franchiseur de s’être rendu complice du manquement par un franchisé à son obligation de notifier son intention de ne pas renouveler le contrat dans le préavis contractuellement prévu. Le franchisé avait d’ores et déjà été condamné par un tribunal arbitral.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir rejeté l’action intentée à l’égard du nouveau franchiseur.

Il était reproché à la cour d’appel d’avoir retenu qu’il n’était pas prouvé que le nouveau franchiseur ait eu des contacts avec le franchisé avant le terme du contrat, bien qu’elle ait admis que ces contacts aient peut-être eu lieu.

L’appréciation des éléments de preuve relève néanmoins de l’appréciation souveraine des juges du fond. Aussi la cour d’appel pouvait elle considérer qu’il n’était pas prouvé que le nouveau franchiseur avait eu un comportement fautif, ce d’autant qu’au moment où les relations entre les deux partenaires étaient effectivement établies, le terme du premier contrat de franchise était intervenu. C’est en quelque sorte l’application de l’adage « pas vu, pas pris » qui triomphe ici sur l’application stricte des règles relatives à la charge de la preuve.

Contrat de franchise et effets d’une clause compromissoire

(Cass. com., 8 déc. 2009, pourvoi n°09-11.117)

L’arrêt commenté concerne une affaire dans laquelle les parties au contrat de franchise avaient également conclu un contrat de location-gérance. Le contrat de franchise, contenait une clause compromissoire, à la différence du contrat de location-gérance.

Le liquidateur de la société franchisée avait assigné le franchiseur en nullité des deux contrats.

Seule la question de l’annulation du contrat de location-gérance avait fait l’objet d’un appel. Après avoir constaté que le contrat de location-gérance ne comportait pas de clause compromissoire, la cour d’appel avait retenu la compétence du juge étatique.

Le pourvoi reprochait aux juges du fonds d’avoir ainsi statué, alors que, pour statuer sur la nullité pour dol du contrat de location-gérance, les magistrats s’étaient fondés sur des éléments stipulés à l'avant-contrat de franchise, ce qui revenait, toujours selon le pourvoi, à lier la demande du liquidateur au contrat de franchise.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. La clause compromissoire figurant dans le seul contrat de franchise était « manifestement inapplicable au litige » dès lors en effet que, d’une part, aucune clause compromissoire ne figurait dans le contrat de location-gérance proprement dit et que, d’autre part, seule la nullité du contrat de location-gérance était sollicitée en cause d’appel.

Aménagement commercial

(Arrêté du 13 novembre 2009)

Pris en application de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et faisant suite au décret du 24 novembre 2008 relatif à l’aménagement commercial, un arrêté du 13 novembre 2009 vient utilement préciser les conditions d’application des articles R.751-13 et R.751- 17 du code de commerce.

L’article A.751-1 dudit code a pour objet la composition locationgérance avait fait l’objet d’un appel. Après avoir constaté que le contrat de location-gérance ne comportait pas de clause compromissoire, la cour d’appel avait retenu la compétence du juge étatique. du collège des élus locaux de l’observatoire départemental d’aménagement commercial. Celui-ci comprend le maire de la commune du chef-lieu de département et celui de la commune la plus peuplée du département en dehors de l’arrondissement de la commune chef-lieu.

Doivent également y figurer les maires de communes nommés par le Préfet de département, et deux conseillers généraux.

Il comprend en outre un représentant d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’aménagement de l’espace ou de développement économique et celui d’un établissement public compétent en matière de schéma de cohérence territoriale, tous deux nommés par le préfet de département

L’article A.751-3 du code de commerce détermine quant à effet que, d’une part, aucune clause compromissoire ne figurait dans le contrat de location-gérance proprement dit et que, d’autre part, seule la nullité du contrat de location-gérance était sollicitée en cause d’appel. lui la composition du collège des représentants des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat.

S’y réunissent trois représentants désignés par les chambres de commerce et d’industrie et deux représentants des chambres de métiers et de l’artisanat. L’arrêté précise également la qualité des représentants de l’administration, aux articles A.751-5 et A 751-8 du code de commerce.

Contrefaçon de dessins brodés sur les produits distribués dans un réseau de franchise

(CA Versailles, 10 novembre 2009, RG n°08/07587)

Le franchiseur doit certes défendre les signes distinctifs de son réseau, mais il doit également être attentif à tous les autres éléments incorporels qui contribuent à son succès commercial : les créations, dessins et modèles notamment. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté l’illustre, à travers la question de la contrefaçon de dessins de broderie reproduits sur les modèles de linge de maison commercialisés au sein du réseau de franchise et indument repris.

En l’espèce, le franchiseur avait constaté qu’une tierce société proposait dans le cadre d’une offre promotionnelle des lots de linge de maison avec un dessin reproduisant les caractéristiques de celui ornant un modèle de sa collection. Il agit donc en contrefaçon à l’encontre de cette société et de celle lui ayant vendu les produits. La société distribuant les produits du franchiseur agit également, en sa qualité de distributeur, sur le fondement de la concurrence déloyale.

La cour d’appel confirme partiellement le jugement et retient tant la contrefaçon que la concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre des deux sociétés dont la responsabilité était recherchée.

La cour d’appel se prononce sur la titularité des droits d’auteur du franchiseur sur le dessin contrefait ; à cet égard, elle retient la présomption de titularité à l’égard des tiers contrefacteurs, du fait de l’exploitation, sous son nom, du dessin.

En second lieu, l’originalité du dessin est également retenue dès lors que, si les éléments qui forment le dessin sont effectivement connus et que, pris séparément, ils appartiennent au fonds commun des représentations géométriques, en revanche, leur combinaison, en raison de l’aspect d’ensemble produit par la combinaison, confère au dessin une physionomie propre. Le dessin étant protégeable, la cour considère que tant la société diffusant les articles reproduisant ces dessins, figurant également sur ses documents publicitaires, que la société les lui ayant vendus, ont commis des actes de contrefaçon.

La cour d’appel retient également que ces actes sont constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire à l’égard du distributeur des produits de la société franchiseur dès lors qu’ils sont de nature à créer un risque de confusion sur l’origine des produits.

Déchéance de marque par suite d’un usage sous une forme modifiée

(Cass.com., 15 décembre 2009, pourvoi n°08-21214)

L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle énonce que le propriétaire d’une marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans, encourt la déchéance de ses droits. La déchéance de la marque est le plus souvent invoquée reconventionnellement, par le défendeur dans un procès en contrefaçon.

Le texte susvisé assimile à un usage sérieux de la marque, l’usage sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif. Lorsque l’exploitation porte sur une forme modifiée du signe, le titulaire encourt la déchéance de ses droits si le caractère distinctif est altéré.

En l’espèce, le titulaire de la marque considérait que celle-ci avait été reprise par un tiers qu’il poursuivait donc en contrefaçon. La cour d’appel avait prononcé la déchéance de la marque, laquelle était composée de chiffres, après avoir relevé que le signe en question faisait l’objet de nombreuses et différentes déclinaisons, et qu’il était parfois accompagné de dénominations.

La Cour de cassation approuve les juges du fond qui ont considéré que les différentes déclinaisons d’une marque ne sauraient être considérées comme une forme modifiée du signe n’en altérant pas le caractère distinctif ; en conséquence, la déchéance est justement prononcée.

François-Luc Simon
Fondateur, Associé-Gérant, Avocat au Barreau de Paris. Docteur en Droit
François-Luc Simon

François-Luc SIMON est Avocat, Docteur en droit, co-fondateur et Associé-Gérant du Cabinet SIMON ASSOCIÉS, et membre du Collège des Experts de la Fédération Française de la Franchise.

Il co-dirige aujourd’hui SIMON ASSOCIÉS, Cabinet multi-spécialistes d’environ soixante-dix avocats, et travaille à la tête du département Distribution Concurrence Consommation, composé de 10 avocats et 2 juristes. Il intervient au quotidien en conseil et en contentieux, pour les entreprises, les marques et les têtes de réseaux. Son cabinet n’intervient donc jamais pour le compte de franchisés (ou assimilés).

SIMON ASSOCIÉS offre un accompagnement personnalisé à ses clients, adapté à leurs attentes et ajusté aux spécificités de chaque réseau. Le département Distribution Concurrence Consommation intervient toujours dans le souci d’établir une véritable relation de confiance, qui exige « compétence pointue et efficacité opérationnelle, disponibilité et réactivité, qualité, sens de la stratégie et innovation, connaissance et compréhension du client ».

Entre autres distinctions, SIMON ASSOCIÉS a été classé N°1 en droit de la franchise en 2019 par le magazine Décideurs, pour la 5ème année consécutive. Il a été également classé N°1 en droit de la distribution par Le Monde du Droit, en 2019, pour la 4ème fois en 5 ans. Les avocats du département Distribution Concurrence Consommation sont auteurs de nombreuses publications juridiques en droit économique et droit de la Franchise (voir notamment « Théorie et Pratique du droit de la Franchise ») et organisent des événements dédiés à l’actualité juridique (voir notamment Les « Rencontres de Simon Associés ») ou des formations destinées aux avocats et aux juristes d’entreprises (voir notamment les programmes LexisNexis et EFE), dont le détail figure sur www.lettredesreseaux.com, le Site spécialisé de SIMON ASSOCIÉS dédié à l’actualité juridique et économique des réseaux de distribution.

Outre son département Distribution Concurrence Consommation, SIMON ASSOCIÉS dispose de 10 autres départements spécialisés, particulièrement habitués à travailler avec les réseaux de distribution ou de franchise, tels que :

  • Compliance,
  • Contentieux & Arbitrage,
  • Droit pénal de l’entreprise et Intelligence économique,
  • Entreprises en difficulté et Retournement,
  • Fiscalité,
  • Immobilier Construction & Urbanisme,
  • International,
  • Propriété intellectuelle et Nouvelles technologies,
  • Santé,
  • Social & Ressources humaines,
  • Société Finance Cession & Acquisitions,

La complémentarité de ces départements et la compétence des spécialistes qui y travaillent en équipes organisées permettent d’offrir une large gamme de prestations qualitatives au profit des têtes de réseaux, ainsi qu’un gain de temps et d’efficacité.

François-Luc Simon
Fondateur, Associé-Gérant, Avocat au Barreau de Paris
Docteur en Droit
Expert FFF

www.simonassocies.com
www.lettredesreseaux.com

Avez-vous apprécié cet article ?
En votant vous nous aidez à améliorer la qualité du contenu du site.

Soyez le premier a donner votre avis (note moyenne: 0/5)
Franchiseur
Besoin de développer votre réseau ?
Accédez à l'Espace Franchiseurs
Filtres
Secteurs
10