Dossiers de la franchise
La nullité du contrat de franchise suppose la preuve du vice du consentement
En 2003 et 2006, deux sociétés concluent un contrat de franchise avec approvisionnement exclusif avec la société SOCOREST en vue d’exploiter un fonds de commerce sous l’enseigne « la boîte à pizza ». En 2010, les franchisés résilient leur contrat aux motifs de divers manquements contractuels du franchiseur qui les assignent alors en continuation de leur contrat. Les franchisés demandent au principal la nullité des contrats pour dol en raison du défaut de transmission des DIP et, à défaut, pour dol issu de la dissimulation dans le DIP de la mesure de faillite personnelle de 5 ans prononcée à l’encontre du dirigeant.
Décision de la CA de Paris du 1er avril 2015 RG n° 13/00841
S’agissant de la nullité des contrats, la Cour juge que l’action principale en nullité pour dol en raison du défaut de transmission de DIP est prescrite, « le délai ayant couru dès la signature des contrats et que la société Socorest peut justement faire état de l’irrecevabilité de la demande de nullité ».
En revanche, pour déclarer recevable la demande de nullité pour dol résultant de la réticence à fournir des informations sur le gérant de la société franchiseur, la Cour rappelle qu’il appartient à la société franchiseur « de rapporter la preuve que le délai de prescription qui a couru depuis la date à laquelle a été connue l’information omise a expiré, ce qu’elle ne fait pas » et « que par ailleurs, la confirmation des actes nuls par les franchisés suppose à la fois la connaissance du vice et l’intention de le réparer, ce que la société Socorest ne peut rapporter par la seule exécution des deux contrats ».
Elle déboute toutefois les franchisés de cette demande au motif qu’ils ne justifient pas « que la connaissance de cette mesure – manifestement sans la moindre incidence sur la qualité et la compétence du responsable du réseau de franchise dont le concept « Boîte à pizza » et le savoir-faire étaient éprouvés – aurait été déterminante et aurait empêché les deux sociétés appelantes de contracter avec la société Socorest ».
Cette solution est classique et est fondée sur le fait que la prescription court seulement à compter de la révélation du fait à prescrire : si l’absence de délivrance de DIP était nécessairement connue à la date de cessation des contrats, l’omission des éléments liés à la mesure de faillite personnelle dont le dirigeant a fait l’objet ne peut être prescrite qu’au terme d’un délai de cinq ans suivant le jour où le franchisé a découvert ce fait.
S’agissant de la résiliation des contrats pour manquements du franchiseur à ses obligations contractuelles, la Cour réfute les critiques portées sur l’assistance des franchisés par le franchiseur dès lors qu’il est fait état de visites régulières, de tournées régionales d’animation et de réunions régionales. Elle considère en outre que les problématiques posées par la dimension de tracts à distribuer dans les boîtes aux lettres fin 2009 constitue « un manquement peu grave pour avoir été relevé une fois sur les multiples années d’exécution des contrats » .
Cette solution distingue implicitement entre les obligations essentielles du franchiseur (mettre à disposition la marque, former le franchisé et remettre le manuel opératoire, les principales obligations d’assistance contractuellement définies) et celles qui ne sont qu’accessoires, dont la violation ne peut entraîner la résiliation du contrat. Même en présence d’une obligation d’assistance essentielle, la résiliation n’est pas encourue si la violation est isolée.
Pour rejeter également tout manquement du franchiseur à son obligation de négocier des tarifs plus favorables, la Cour retient d’une part que le tableau comparatif des prix des différents produits produit par les franchisés ne précise pas la date des relevés de prix, la qualité et la marque des produits et leurs caractéristiques qui doivent être identiques à celles qu’exige le franchiseur, et d’autre part que « lors de l’exécution des contrats, l’obligation d’approvisionnement n’a pas fait l’objet de critiques des franchisées qui n’ont jamais contesté les tarifs selon la procédure prévue dans le contrat ou sollicité l’agrément de nouveaux fournisseurs comme le contrat leur permettait de le faire ».
La solution est donc ici fondée sur le droit de la preuve, sans que le fonds n’ait été abordé par la juridiction.
Auteur : Jean-Baptiste Gouache
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