Dossiers de la franchise
Monter son projet de financement en franchise (table ronde)
Observatoire de la franchise : Atelier « financer son projet en franchise », la constitution du dossier de financement est une étape cruciale pour tout créateur d’entreprise, pour réfléchir à cette problématique, j’ai convié avec moi Jean-Christophe Sozza et Eric Luc que vais vous laisser le soin de vous présenter.
Jean-Christophe Sozza, Banque Populaire : Bonjour, je suis responsable franchise chez BPCE pour le réseau Banque Populaire.
Eric Luc, Fiducial : Bonjour, Eric Luc, je suis expert comptable et directeur des relations extérieures chez Fiducial et je m’occupe exclusivement de réseaux et de franchise.
O.F. : Même si le fait de se lancer en franchise séduit le banquier, le candidat à la franchise doit suivre un cheminement bien précis. Jean-Christophe, quel premier réflexe doit avoir le candidat à la franchise quand il monte son dossier de financement ?
J-C.S. : Au-delà du premier réflexe de bien évaluer si le projet correspond bien au franchisé sur le plan personnel, sur le plan financier je crois que le franchisé doit d’abord se poser la question, a-t- il les moyens de ses ambitions, la franchise peut se révéler être relativement chère, parce qu’il y a des services autour, et cet ensemble de services vont devoir être rémunérés, le concept que l’on va prendre va devoir être payé, donc c’est vrai qu’il faut que le franchisé réfléchisse bien à l’ensemble du plan de financement qu’il va devoir réunir pour pouvoir monter son dossier ; en tout état de cause, ce qu’il doit faire c’est garder une cohérence entre le projet, ses moyens et les financements qu’il va demander au banquier.
O.F. : En tant que banquier, et représentant d’un établissement bancaire, à quels éléments du dossier êtes-vous le plus sensible ?
J-C.S. : On est sensible à l’implication du franchisé qui va se révéler à travers de son apport, c’est effectivement un premier point, et le deuxième élément qui est pour nous crucial c’est s’il a bien évalué l’ensemble des besoins, c'est-à-dire aussi bien les besoins d’investissement que les besoins de la gestion courante.
O.F. : Eric Luc, quels sont les autres éléments à prendre en compte, et le candidat à la franchise doit-il nécessairement se faire épauler par un professionnel pour constituer son dossier ?
E.L. : Il y a deux questions, la première question, les autres éléments à prendre en compte par rapport à ce que vient de dire Jean-Christophe, pour moi, le prévisionnel est une synthèse entre des éléments nationaux et des éléments locaux, je m’explique, c'est-à-dire qu’on est dans le cas de franchise et le franchiseur va déjà définir un modèle économique, un business plan type au niveau national, et le franchisé localement doit adapter ce business plan, ce prévisionnel aux données locales, quel loyer on va voir sur cette ville, sur cet emplacement, quel niveau de rémunération, si on est sur Paris ou au niveau rurale, quel prix moyen, le prix de la concurrence pour pouvoir faire son propre prévisionnel, donc il faut que le franchisé s’approprie le prévisionnel donné par le franchiseur.
O.F. : Le candidat doit-il se faire épauler ?
E.L. : Je vais répondre pour la profession d’expert comptable et je dis oui, surtout quand on voit le parcours type d’un franchisé qui est une deuxième vie professionnel souvent en cadre, il n’aura pas la culture de finance et de présentation, donc il est préférable pour que le banquier ait confiance que l’expert comptable puisse accompagner le franchisé lors de la présentation de son dossier.
J-C.S. : Et là je confirme, en tant que banquier, on apprécie que le franchisé ait fait la démarche de travailler son projet avec son expert comptable pour effectivement intégrer toutes ces particularités qui vont faire aussi l’identité du projet.
O.F. : Pour autant Jean-Christophe Sozza, ce candidat doit-il d’abord s’adresser à son conseiller personnel, doit-il faire jouer la concurrence ? Quelle est la bonne méthode, s’il y en a une ?
J-C.S. : C’est vrai que dans l’enquête annuelle que l’on a mené avec la fédération française à la franchise, il ressortait que 36% des franchisés lorsqu’on leur demandait pourquoi ils avaient choisi la banque vers qui ils sont allés, ils nous disaient « je suis allé vers la banque avec qui j’avais déjà une relation » et c’est le premier item lorsqu’on pose cette question, donc la relation que le franchisé peut avoir à titre personnel avec l’établissement bancaire est toujours très forte, et ça il ne faut pas l’ignorer, maintenant, c’est souvent pas le même conseiller qui va étudier son projet personnel et son projet professionnel, par contre, il peut bien évidemment aller voir son conseiller personnel qui va l’orienter vers la bonne personne au sein de l’agence.
O.F. : Et le fait de faire jouer la concurrence entre le réseau ?
J-C.S. : C’est tout à fait normal, je pense qu’il faut aussi retenir une chose c’est que le choix ne va pas porter uniquement sur un taux, il va porter aussi sur une relation, donc faire jouer la concurrence c’est aussi rencontrer d’autres personnes, d’autres conseillers, et essayer de trouver celui avec qui on peut avoir le meilleur feeling.
O.F. : Eric Luc, le futur franchisé doit-il se faire accompagner par son franchiseur lors de l’entretien avec son banquier, je sais que ça se fait, mais est-ce que c’est bien ?
E.L. : Je dis oui, et je veux dire oui dans beaucoup de cas, lorsque c’est une jeune franchise, donc qui n’a pas encore une notoriété suffisante, ou que c’est une franchise qui a déjà une certaine ancienneté mais avec un parc de magasins ou de franchisés moyen, et c’est important que le franchisé vienne accompagné de son expert comptable et de son franchiseur pour pouvoir expliquer le modèle économique, défendre la marque et le savoir faire et donner toutes les chances de réussite à ce projet, donc je préconise pour les jeunes franchises ou les franchises avec une amplitude un peu moins importante de se faire représenter, mais si on est autour de très grandes enseignes, ils accompagnent leurs futurs franchisés pour venir au rendez-vous.
O.F. : Eric, qu’est-ce qui manque en général dans un dossier de financement que vous voyez passer ? Et Jean-Christophe répondra par la suite.
E.L. : Souvent, les investissements initiaux, tels que le pas-de-porte, le droit d’entrée, la rénovation, le mobilier, le matériel sont souvent bien budgétisés, bien précis avec des devis et le financement mis en face, on va dire le long terme des deux côtés sont bien prévus, les grands erreurs et oublis que l’on voit c’est ce qu’on va appeler dans notre jargon financier « le besoin en fond de roulement », c’est les frais de démarrage, et si je voulais illustrer ça, je vais prendre un exemple tout simple, je suis chauffeur taxi, j’ai acheté ma licence et ma voiture mais pour faire ma première course, il faut que je mette de l’essence, c’est exactement ça, c'est-à-dire qu’on a bien prévu mais il va falloir si j’illustre ça sur un jeune franchisé, c’est les premiers loyers, les premiers bulletins de salaire qu’il va falloir pour démarrer, les premières factures, et simplement ça ce n’est pas souvent prévu, et les banquiers n’aiment pas bien que les premiers euros de déficit si j’ose utiliser ce terme soient demandés… une deuxième enveloppe en disant j’ai oublié de prévoir ça, et je dis toujours, il vaut mieux demander une fois, mais une fois pour tous, que deux fois.
O.F. : Jean-Christophe, une précision ?
J-C.S. : Le prévisionnel de trésorerie aujourd’hui est vraiment indispensable, la montée en puissance on ne la maîtrise pas, donc effectivement il faut commencer par l’évaluer et essayer de demander à son banquier l’enveloppe de court terme qui sera nécessaire pour faire face à ses premiers décalages, effectivement c’est le point central aujourd’hui.
O.F. : Autre question Jean-Christophe, est-ce un plus si la tête de réseau dispose d’un accord cadre avec une ou plusieurs banques ?
J-C.S. : Je dirais que dans un premier temps, ça fait partie de l’ensemble des services que le franchiseur apporte au franchisé, pour un franchisé, ça démontre que son franchiseur s’est posé des questions, comment peut-il accélérer et faciliter pas forcément l’octroi de crédit mais en tout état de cause, la mise en relation pour ce qui est des Banques Populaires c’est vrai qu’avec la procédure express, l’idée c’est de vraiment mettre en relation, de façon rapide, sous 48 heures, un franchisé avec le bon interlocuteur en banque, donc oui, je pense que c’est bien.
E.L. : Je confirme, c’est indispensable qu’une franchise aille se vendre auprès des établissements bancaires pour pouvoir présenter leur concept et démontrer que ce concept est rentable pour que notamment, les établissements financiers puissent avoir un référent et connaissent parfaitement ce réseau.
O.F. : Un mot de conclusion Jean-Christophe, c’est quoi pour vous un bon dossier de financement ?
J-C.S. : Je pense qu’il doit d’abord être clair, c'est-à-dire qu’à la première lecture, on comprenne réellement quels sont les besoins, il doit être honnête, c'est-à-dire partir sur des éléments qui ne soient pas hypothétiques mais qui relèvent du concret, de ce qu’on a pu observer dans les autres points de vente similaires et puis il doit être cohérent avec les moyens financiers, avec le patrimoine, avec la personnalité du futur franchisé.
E.L. : Je reprends qu’il doit être objectif et réaliste, c’est l’objectivité et le réalisme parce que c’est vraiment le premier élément pour une franchise c’est sa feuille de route et si dès les premiers six mois, on s’aperçoit qu’on est complètement à côté, c’est une perte de crédibilité vis-à-vis de la franchise, du franchisé et de ses conseils, donc pour moi c’est vraiment l’adéquation entre le réalisme et l’objectivité.
O.F. : Messieurs, je vous remercie d’avoir participé à cet entretien et à très bientôt.
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