Dossiers de la franchise
Partenariat WWF avec les entreprises
Dominique Royet, directrice des partenariats du WWF France (World Wildlife Fund), l’une des plus importantes associations de protection de la nature.
Pourquoi entreprendre des partenariats avec les entreprises, dont les pratiques ne sont, pour le moins, pas toujours soucieuses de la nature ?
Dans les années 90, nous nous sommes rendus compte que les entreprises pouvaient avoir un impact sur la protection de la nature, tant au niveau de leurs process, de leurs pratiques commerciales et donc des produits vendus en magasin, que des personnes sensibilisées en interne comme en externe. Nous avons décidé de construire avec les entreprises, plutôt que de lutter contre elles. Nous avons ainsi choisi des entreprises prêtes à s’engager dans des secteurs stratégiques, tels que la distribution, qui touchent de nombreux clients mais aussi bon nombre de fournisseurs.
Quels engagements demandez-vous aux partenaires du WWF ?
Nous leur demandons simultanément un triple engagement. D’abord, faire évoluer leurs pratiques et s’impliquer dans une démarche de progrès en matière environnementale. Ensuite, nous aider à communiquer, à leur personnel comme à leurs clients, les messages d’alerte sur les dangers menaçant la nature ainsi que les gestes écologiques au quotidien pour préserver la nature de manière durable. Enfin, financer les programmes de préservation de la nature du WWF, au nombre de 12 000 depuis la création de l’association en 1961. Compte tenu de l'engagement fort de la part des deux entités que représente ces partenariats nous préférons peu de partenaires – une vingtaine en France – et nous nous attachons à sentir une volonté stratégique au plus haut niveau de l’entreprise.
Dans quels secteurs recherchez-vous encore aujourd’hui des partenaires ?
Le secteur des assurances n’est pas couvert par le WWF. Etonnamment, nous ne sommes pas présents dans le domaine de la distribution du matériel de sport – grand consommateur de matières plastiques –, alors que les sportifs sont plutôt proches de la nature. Nous recherchons également un partenaire dans le secteur des produits cosmétiques, voire de la santé si cela concerne la phytothérapie ou l’homéopathie par exemple. En octobre prochain, nous allons d’ailleurs sortir un livre aux éditions du Seuil, « Planète attitude santé », mettant en évidence les liens entre santé et environnement. Le premier tome de cette série, « Planète attitude », s’était vendu à 80 000 exemplaires il y a deux ans.
Quels types d’actions en faveur de la nature ont été développés par des partenaires du WWF développées en réseau ?
Nous avons entrepris avec CARREFOUR un travail sur ses apprivoisements en bois. Depuis 7 ans, nous échangeons avec les acheteurs des informations sur les sources d’approvisionnement que nous avons grâce à notre réseau au travers du Monde. Aujourd’hui, une très grosse partie des publications du groupe sont imprimées sur du papier recyclé et Carrefour a renoncé à proposer à ses clients des salons de jardin en teck, puisqu’il n’était pas possible d’avoir une traçabilité correcte de ce bois et aucune garantie qu’il ne provenait pas de source illégale. Il s’agit là, en quelque sorte, d’une démarche équitable au niveau environnemental.
Avec CHAMPION, nous réalisons régulièrement des livrets d’information pour le consommateur. Par exemple, sur les vertus des produits biologiques ou sur les gestes à faire dans une maison pour mieux se comporter vis-à-vis de la nature. Dans toutes les publications CARREFOUR et CHAMPION, nous intervenons régulièrement pour sensibiliser le grand public à la protection de leur environnement. Grâce à nos actions de sensibilisation des hôtesses de caisse comme des clientes, pour ces deux réseaux de la grande distribution, l’usage des sacs en plastiques de caisse a diminué de 40%. CHAMPION a également distribué à tous les magasins de l’enseigne un guide des bonnes pratiques en magasin, qui permet au personnel de faire au quotidien des gestes écologiques réduisant ainsi l’empreinte du magasin sur l’environnement.
Au mois de mars dernier, CASTORAMA est également devenu partenaire du WWF. Quels objectifs vous êtes-vous fixés avec cette enseigne ?
Nous avons comme objectif principal de proposer une alternative bien signalée en magasin dans chaque gamme de produits présents dans les magasins CASTORAMA. Un axe de travail fondamental concerne l’efficacité énergétique, c’est-à-dire les produits économiseurs d’énergie, comme les alternatives aux énergies fossiles tel le pétrole. En isolant correctement une maison, lors de sa construction ou de sa rénovation, on peut économiser jusqu’à 40% sur sa facture d’énergie.
En juin dernier, nous avons aussi signé avec RIP CURL, une ligne de vêtements dans l’esprit de la glisse. Aucun produit n’est encore sorti, mais l’argent donné par RIP CURL sera affecté à la lutte contre la diminution des récifs coralliens dans le monde. RIP CURL va également faire évoluer ses pratiques et ses produits.
Quelles sont les retombées pour les marques et les enseignes engagées avec le WWF ?
Le partenariat avec le WWF renforce l’image et la notoriété de ces entreprises auprès du grand public ainsi que la légitimité de leur engagement dans le développement durable. Notre logo bénéficie d’un fort capital sympathie et la protection de la nature intéresse leurs clients. 97% des gens sont préoccupés par les problèmes environnementaux. Les échanges entre l’enseigne et le WWF impliquent également une mobilisation pour les forces internes à l’entreprise, qui assistent en nombre aux réunions de sensibilisation et affichent leur fierté d’appartenir à une société qui s’est engagée pour la nature.
Ces partenariats ont parfois aussi des retombées mesurables sur les ventes. Depuis cinq ans, nous réalisons une ligne de produits avec PIMKIE, des tee-shirts en coton biologique au même prix qu’un tee-shirt classique. Chaque année, PIMKIE enregistre 50% de ventes supplémentaires sur ce produit.
Est-ce vous avez le sentiment que les entreprises, comme le grand public, prend enfin conscience des dangers menaçant l’environnement et leur propre quotidien de manière plus imminente que beaucoup le croient encore ?
Quand je suis entrée au WWF il y a sept ans, il fallait vraiment prospecter les entreprises pour qu’elles s’engagent à nos côtés. Désormais, ce sont elles qui nous sollicitent. Au niveau du grand public, la prise de conscience arrive à grand pas avec les enfants.
Pour les adultes, il faut continuer de marquer les consciences, comme nous l’avons fait dans « Planète attitude santé ». Par exemple, lors d’une prise de sang effectuée sur des députés européens, nous avons relevé 36 substances chimiques, pour la plupart toxiques. Aujourd’hui, une petite fille possède dans le sang plus de substances chimiques que sa grand-mère.
Certains travaux du WWF deviennent des références. L’eau douce représente pour nous un axe majeur de travail en France. Depuis quinze ans, notre association agit sur la Loire. Nous avons lutté contre l’installation de barrages. Nous avons racheté certaines rives pour les réaménager. Nous avons même réintroduit le saumon dans ce fleuve. Aujourd’hui, les personnes qui gèrent le fleuve Danube prennent en exemple nos pratiques sur la Loire.
Pour moi, il est très clair et les statistiques le montrent que les français sont sensibilisés et se posent des questions sur l’évolution de leur rapport avec la Nature. Aujourd’hui, le vrai défi est de leur donner les moyens de consommer différemment et en cela, les entreprises sont un levier déterminant.
Propos recueillis par François Simoneschi
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