Dossiers de la franchise
Franchiseurs, comment sécuriser votre information précontractuelle ?
Pour les franchiseurs, sécuriser leur information précontractuelle est un vrai enjeu. Il en va de la qualité de la relation de confiance nouée avec leurs franchisés, qui misent souvent une partie de leurs économies dans leur projet en tenant compte des informations communiquées en amont du contrat. Et sur le terrain des sanctions, un manquement aux obligations découlant de la réglementation en vigueur peut entraîner la nullité du contrat et des conséquences financières considérables. Alors comment vous y prendre pour produire le bon niveau et la bonne qualité d’information précontractuelle ? L’observatoire de la franchise vous dit tout, avec l’éclairage de Maître Cécile Peskine, avocate associée du cabinet Linkea.
La base : respecter les prescriptions légales
L’information précontractuelle doit éclairer suffisamment le consentement du futur franchisé, et elle fait en France l’objet d’une réglementation déjà ancienne.
Tableau récapitulant les chefs de demande des franchisés, dans des contentieux les opposant à leur franchiseur, et qui sont liés à la phase précontractuelle (Source : p.89 du Rapport de recherche « Les conflits judiciaires dans les contrats de franchise » - produit sous la direction de Mme Odile Chanut, en septembre 2020)[1]
Disponible sur ce lien : http://www.gip-recherche-justice.fr/publication/les-conflits-judiciaires-dans-les-relations-de-franchise/
Le Document d’Information Précontractuel
Selon les termes de la Loi Doubin, codifiée dans les articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce, le franchiseur doit obligatoirement remettre à son futur franchisé un Document d'information précontractuel (DIP).
Ce document doit lui être remis au moins 20 jours avant la signature du contrat. Il doit contenir un ensemble d'informations précises et détaillées sur le réseau, le concept, les conditions financières, le projet de contrat, le marché etc.
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Et les franchiseurs doivent également garder à l’esprit de respecter les exigences du code civil, qui impliquent d’apporter les éléments permettant d’éclairer le consentement de son cocontractant. « Ce qui implique d’avoir un DIP en phase avec ces obligations, c’est-à-dire suffisamment complet et surtout actualisé pour chaque candidat » rappelle Maître Peskine - nous y reviendrons.
Enfin, il faut penser à mettre à jour l’état général du marché (EGM), généralement en faisant appel à un prestataire spécialisé en géomarketing, en moyenne une fois par an. Quant à l’état local (ELM), il est à produire pour chaque nouveau DIP en tenant compte de la zone ciblée pour la future implantation, et ne doit pas être confondu avec l’étude de marché à produire par le franchisé lui-même.
Les informations complémentaires
 côté, le franchiseur peut fournir toute information complémentaire utile à la décision du candidat. Si la loi impose la remise des comptes de la société tête de réseau, cela ne suffit généralement pas dans la mesure où les comptes du franchiseur ne sont pas révélateurs des chiffres réalisés par les points de vente. Ainsi, de nombreuses enseignes transmettent en complément les statistiques relatives aux chiffres réalisés par leurs points de vente.
Attention toutefois : si vous choisissez de partager des informations complémentaires à celles prévues par le Code de Commerce, vous les faites entrer dans le champ précontractuel. Elles vous deviennent opposables et c’est pour cela qu’elles doivent être sincères, exactes et complètes.
Le dispositif actuel est-il suffisant ?
La loi Doubin fêtant en cette fin d’année sa 35ème bougie, la question de son actualité se pose plus que jamais.
Une base robuste, qui n’est pas nécessairement à remettre en cause
Pour notre avocate, le dispositif actuel est déjà satisfaisant. « Il n’y a pas lieu d’amender la loi Doubin et de tout révolutionner. Si elle n’a pas été challengée depuis 1989, ce n’est pas non plus un hasard. Celle-ci prévoit la remise d’un ensemble d’informations et d’un ensemble d’éléments particulièrement utiles au candidat à la franchise. Elle couvre en outre les réseaux ayant fait le choix de se développer via une licence de marque dès lors qu’une exclusivité est de mise, et s’applique ainsi de manière efficace à un large pan des acteurs du monde des réseaux », argumente la praticienne.
Toutefois, cette dernière concède qu’il y a un terrain sur lequel les franchiseurs pourraient progresser : la communication des chiffres réalisés par les points de vente du réseau.
Un axe de progrès souhaitable : le partage des chiffres
La réglementation prescrit seulement de partager aux candidats les chiffres de la tête de réseau, relativement à ses deux derniers exercices.
« Cela les rassure quant à la solidité et à la santé de leur franchiseur, mais ne répond pas à leur besoin d’information en tant que futur exploitant. Ce dont ils ont besoin, ce sont les chiffres relatifs aux points de vente exploités au sein du réseau, pour pouvoir se projeter “à projet comparable”, c’est à dire pour une zone géographique et une taille de point de vente équivalentes », explique la membre du Collège des experts de la FFF.
Quoi qu’il en soit, notre témoin note que les reproches faits par les lanceurs d’alerte et autres mécontents ne relèvent pas tant d’une absence de remise du DIP, que d’y voir figurer des coûts - notamment d’investissement - non actualisés.
Un usage qui gagnerait à se normaliser non sans certaines précautions
Si dans les faits une majorité des franchiseurs transmettent des données relatives aux résultats dégagés par leur réseau, il ne s’agit que d’un usage. Mais rien ne fait obstacle, en principe, à ce qu’il devienne une norme. A condition toutefois que le franchiseur dispose lui-même des chiffres réalisés par ses propres franchisés, ce qui n’est pas toujours le cas en pratique.
Mais si, pour Maître Peskine, systématiser l’usage est envisageable, il faut être attentif aux modalités de détermination de ces statistiques réseaux. « En outre, cela ne préjuge en rien de la performance future du franchisé, qui dépendra étroitement de son implication, de la localisation de son point de vente, de la concurrence et de nombres de facteurs exogènes et endogènes propres au franchisé. Et l’exercice ne vaut que si un nombre suffisamment significatif de franchisés remontent leurs comptes à la tête de réseau. Ce qui n’est pas toujours le cas, bien que le contrat de franchise prévoie généralement une telle obligation », ajoute Maître Peskine.
Des conditions d’engagement qui évoluent pour les candidats
Les bases d’engagement des futurs franchisés ne sont plus les mêmes, car les nouvelles générations ont d’autres attentes et moyens de se renseigner.
Davantage d’informations disponibles
Tout d’abord les candidats sont mieux renseignés qu’auparavant. Ils font l’objet d’un effort pédagogique soutenu, de la part des portails spécialisés comme l’Observatoire (articles, livres blancs, interviews ...) et bien sûr de la Fédération Française de la Franchise, qui organise pour les porteurs de projets des salons, des conférences et autres webinaires.
Davantage de temps passé à se renseigner et avant de signer
« Plus avisés, plus à l’aise avec les techniques de recherche en ligne, les candidats prennent le temps de rencontrer plusieurs enseignes. Ils n’ont aucun problème à ”faire leur marché” avant de s’engager. Et c’est tout à fait légitime : l’aventure en franchise peut être le projet d’une vie et doit faire l’objet d’une réflexion approfondie et documentée », constate la femme de loi.
Ce qui a pour effet d’allonger le délai moyen entre le premier échange avec le développeur de l’enseigne et la signature effective du contrat. Sachant aussi que la conjoncture économique actuelle ne pousse pas à l’augmentation des candidatures, au contraire.
Un rapport au conseil qui se décomplexe, même s’il reste du chemin à parcourir
Enfin, les candidats à la franchise sont davantage consommateurs de conseil et ils mettent à profit tout un écosystème qualifié :
· L’avocat spécialisé dans l’accompagnement des franchisés pour relire leur contrat et mener un échange constructif avec le futur franchiseur pour dissiper tout malentendu ;
· L’expert-comptable spécialisé dans leur secteur d’activité pour établir le business plan ;
· Le courtier en financement professionnel pour accompagner à la préparation des demandes de financement ;
· L’agence de géomarketing pour réaliser leur étude de marché ;
· Et de plus en plus un conseil immobilier, pour identifier un emplacement pertinent et négocier leur bail commercial.
Pour Maître Peskine, « la prise de conscience progresse, car les experts ont aussi su rendre leur offre plus lisible. Mais on ne peut pas encore parler d’une démarche systématique. »
Pour voir les réponses des experts accompagnant les franchisés, RDV sur notre forum des experts.
En quoi le franchiseur pourrait-il se montrer plus transparent et ouverts avec ses candidats ?
D’autres aspects à caractère plus opérationnel que juridique, peuvent être améliorés dans la communication précontractuelle.
L’immersion pratique
Le franchiseur a tout intérêt à aider son candidat à se projeter dans son univers, en lui donnant un avant-goût de ce qu’est le quotidien d’un franchisé dans son réseau.
« Il peut le convier à une journée découverte voire à participer à un mini-stage de d’initiation ou ”vis ma vie” sur site, notamment dans une unité pilote. Cette journée est l’occasion, pour chacune des futures parties au contrat, de se tester et d’apprendre à se familiariser avec la future relation qui sera – peut-être – la leur », précise l’avocate.
Les échanges avec des franchisés ambassadeurs
Autre levier à la disposition du franchiseur, lui donner accès à des franchisés « ambassadeurs », qui répondront à ses questions. Une option que certains trouveront discutable, préférant que le candidat interroge les exploitants de son choix et non ceux qui pourraient “témoigner sur commande.”
Mais pour notre praticienne, « il appartient au candidat, en sa qualité d’entrepreneur indépendant, d’ enquêter et de poser toutes les questions qui lui permettront de s’engager en connaissance de cause. Et si d’aventure le franchiseur ne lui répond pas ou reste évasif, il devra en tirer les conséquences ! »
Des supports de qualité
Dernier facteur clé de succès, les supports distribués à vos candidats. Car face à la multiplication des enseignes et ce quel que soit le secteur d’activité, il vous faut vous démarquer.
Choisissez non seulement des supports pertinents au gré de votre parcours candidats, adaptés aux canaux de communication que vous avez retenus. Mais surtout, soignez leur réalisation. Il vaut mieux avoir peu de documents mais conçus à votre charte par un graphiste et impactants, plutôt qu’une gamme obsolète de présentations insipides, redondantes et bricolées ...
La technologie peut-elle changer la donne en matière d’information précontractuelle ?
Les technologies numériques ont nécessairement un rôle à jouer dans l’information précontractuelle des candidats, même si cela n’exonère pas ces derniers de leur travail d’investigation personnel.
Pour l’associée du cabinet Linkea, les technologies numériques aideront à n’en pas douter les futurs franchisés à compléter son information, à mieux se renseigner sur leur futur cocontractant.
« Nous voyons déjà que les IA génératives fournissent en instantané des informations variées sur les enseignes. Pour autant, elles reposent sur des algorithmes qui « absorbent » des données sans disposer de la faculté de les analyser réellement, et l’aléa se déplace alors sur la qualité de ces dernières », souligne-t-elle.
Le candidat doit donc garder en tête de toujours questionner les sources des réponses qui lui sont proposées, et les confronter avec le réel. Et à ce titre, rien ne vaut les informations du terrain, qu’il obtiendra en interrogeant un panel de franchisés de son choix.
Car quelle que soit la puissance des IA pour défricher un sujet et automatiser les recherches du candidat, elle ne se substituera jamais à un vrai travail d’investigation ni à une prise de décision humaine, en dernier ressort !
Quelques bonnes pratiques pour produire une information précontractuelle irréprochable
01 - Produisez chaque DIP avec des données fiables et actualisées ;
02 - Faites-vous assister par un avocat spécialisé en droit de la franchise pour rédiger la première mouture de votre DIP, et pour la faire évoluer afin de prévenir les litiges ;
03 - Actualisez régulièrement vos données clés pour faciliter la production de votre DIP ;
04 - Sécurisez la transmission des informations par un accusé de réception (ou signature électronique authentifiée répondant aux normes européenne) lors de l’envoi du DIP et conservez soigneusement tous les documents ayant trait à la phase précontractuelle ;
05 - Protégez vos données par une clause de confidentialité dans votre contrat de franchise ;
06 - Formez votre équipe chargée de présenter le réseau et le concept aux candidats au contenu du DIP, ainsi qu’aux obligations applicables en matière d’information précontractuelle.
Zoom sur ... l’actualisation des données : Trop de franchiseurs se contentent d’une version unique du DIP en se disant « ça, c’est fait »... Mais le DIP doit refléter fidèlement l’état du réseau et de la réglementation, chaque fois qu’il est transmis à un candidat. Et puis un document à jour rassurera d’autres parties prenantes, comme le banquier. « La mise à jour doit porter sur tout ce qui a évolué depuis la remise du précédent DIP, c’est-à-dire les ouvertures, le nombre d’unités, les sorties ... Chaque réseau devrait désigner un référent dédié au sujet, une vigie attentive chargée de vérifier qu’aucun DIP ne sort sans avoir repris les données actualisées. Cela devrait être processé et systématisé », explique notre avocate.
Sécuriser votre information précontractuelle nécessite une approche rigoureuse et méthodique.
En respectant les obligations découlant du code de commerce, en mettant en place des procédures solides et en vous faisant assister par un avocat expert des réseaux, vous limiterez vos risques contentieux et pérenniserez d’autant mieux votre réseau.
L’Observatoire de la Franchise est la plateforme incontournable pour valoriser votre enseigne et vous mettre en relation avec des candidats préqualifiés.
Pour compléter votre information, découvrez :
o Franchiseurs, comment adopter un bon modèle économique ?
o Les étapes clés pour réussir en tant que franchiseur
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