Tendances : quel avenir pour les espaces de coworking ?

La faillite du poids lourd du secteur du coworking, WeWork, fin 2023, a fortement secoué le marché, en France comme dans le monde entier. Il faut dire que ce géant américain des bureaux partagés s’affichait depuis plusieurs années comme une véritable locomotive, précurseur de l’explosion des espaces de travail flexibles en Europe. Un succès qui l’a mené jusqu’à atteindre une valorisation de plus de 47 milliards de dollars à la bourse de New York, en janvier 2019. Sa chute n’en est donc que plus vertigineuse, mais sonne-t-elle pour autant le glas de tout un secteur ?

Les professionnels du coworking plutôt confiants

Si le séisme que subit WeWork est réel, les autres acteurs spécialisés dans les espaces de travail flexibles sont loin de craindre d’être atteints par l’onde de choc. L’ancien directeur immobilier Europe de WeWork lui-même, Romain Allouch, a choisi de ne pas délaisser cet univers puisqu’il vient d’annoncer le lancement de sa plateforme Sora, qui permet aux entreprises de louer leurs bureaux inoccupés et ainsi valoriser leurs espaces. Un projet qui a déjà séduit le fonds d’investissement Daphni et des business angels poids lourds tels que Pierre Kosciusko-Morizet et Pierre Krings.

“Concernant WeWork, il ne faut surtout pas y voir la faillite de tout un marché, avertit Christophe Buckart, managing director chez IWG, l’un des leaders mondiaux du coworking. D’autres acteurs s’en sortent très bien.” C’est le cas notamment de son réseau, maison-mère de marques comme Regus et Spaces, qui multiplie les ouvertures de nouveaux espaces partout dans le monde : plus de 600 en 2023 !

L’aventure entrepreneuriale du coworking séduit même des indépendants. En plein centre-ville d’Angers, Pauline Huaumé et Emilie Besnard ont ainsi ouvert en septembre 2022 un espace de 190 mètres carrés qu’elles ont baptisé La Pépiterie Coworking Café. Entre ces murs, les free-lances, les salariés en télétravail et les personnes de passage en ville peuvent bénéficier d’un espace de travail flexible disponible à l’heure, à la demi-journée ou à la journée, ainsi que d’un espace café ouvert à tous. “Et nous n’avons eu aucun mal à convaincre nos partenaires de nous suivre sur ce projet”, se réjouit Pauline Huaumé.

En France, un marché du coworking en plein essor

Il faut dire que depuis ces dernières années, la France s’affiche comme l’un des marchés clés pour les acteurs du coworking. Si pendant la pandémie les bureaux se sont vidés, la reprise s’est imposée comme un renouveau pour le secteur, avec notamment une réelle envie de réorganiser sa façon de travailler sous l’angle de la flexibilité.

Et le succès se vérifie à tous les niveaux, avec une perception de ces espaces par les travailleurs plus que positive. En effet, d’après une étude Ubiqdata menée en 2023, les utilisateurs d’espaces de coworking sont nombreux à plébisciter ces lieux pour le bien-être qu’ils confèrent (62 % donnent une note supérieure ou égale à 8 sur 10) et plus des deux tiers recommandent leur espace de coworking. Ils sont mêmes vecteurs de fierté pour 73 % des travailleurs !

le marché se développe rapidement

“Le marché français était historiquement moins développé que les marchés anglosaxons et néerlandais, mais il a rattrapé son retard en l’espace de trois ou quatre ans seulement, notamment grâce à la start-up Nation et toutes ces jeunes entreprises qui ne peuvent anticiper la croissance de leurs effectifs et ont besoin de pousser régulièrement leurs murs pour continuer leur expansion. Elles trouvent donc dans l’offre des espaces de bureaux flexibles tout ce dont elles ont besoin au moment où elles en ont besoin, sans avoir à s’engager sur des baux locatifs de plusieurs années”, commente Christophe Buckart d’IWG.

L’engouement des Français pour le coworking est tel qu’il s’agit déjà du troisième plus gros marché pour IWG, après les Etats-Unis et l’Angleterre. “Et le marché se développe rapidement”, continue le dirigeant, qui a ouvert pas moins de 13 nouveaux espaces dans l’Hexagone entre janvier et septembre dernier. Avec plus de 130 locaux et près de 210.000 mètres carrés de bureaux, IWG s’est hissé à la première place des plus gros acteurs du coworking en France, devant WeWork, Morning, Buro Club et Wojo (source : classement 2023 d’Ubiqdata).

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Opportunités pour les investisseurs et porteurs de projet

Le nombre d’espaces de travail flexibles explose à un rythme jamais vu en France, et la tendance devrait se poursuivre, tant les besoins sont grands. Attention, cependant, car le marché est en train de se structurer, et les porteurs de projet et investisseurs intéressés par le marché du coworking doivent tenir compte de certaines évolutions.

“Si Paris semble proche de la saturation, d’importants réservoirs de croissance existent, notamment dans les grandes métropoles régionales”, souligne ainsi Xerfi dons son étude “Le virage serviciel du coworking”, dévoilée en 2022. Un avis partagé par le réseau IWG, qui a commencé à cibler d’autres grandes villes, mais aussi des villes secondaires comme Pau, Dax et Clermont-Ferrand, ainsi que des zones périurbaines et proches de grandes agglomérations comme Annemasse pour Genève, ou encore Douai pour Lille.

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En plus de se développer ailleurs qu’en Ile-de-France, IWG privilégie un autre levier de croissance : les partenariats. Le réseau s’est notamment ouvert à la franchise et vise principalement les hôteliers intéressés par la mise à disposition de leurs espaces aux travailleurs de passage. IWG se rapproche également de bailleurs institutionnels pour les aider à convertir une partie de leurs parcs. Comme avec Perial, par exemple, avec qui IWG a créé Factories by Perial AM&Regus, des tiers lieux implantés dans les immeubles du parc immobilier géré par Perial Asset Management, ouverts à tous.

Devenir franchisé dans le coworking

Bien qu’accaparé par de nombreux acteurs, le marché du coworking est donc porteur en France, surtout à partir du moment où les projets s’éloignent de Paris, déjà très maillé, pour conquérir de nouveaux espaces.

Pour créer son entreprise dans le coworking, il est possible de se lancer seul et sans réseau, comme Pauline Huaumé et Emilie Besnard avec La Pépiterie d’Angers, ou bien en réseau avec IWG, qui propose son modèle à la franchise. Mais attention, dans tous les cas, certains prérequis doivent être rappelés.

“D’abord, il faut avoir bien en tête qu’il ne s’agit pas d’une activité de gestion d’actifs immobiliers, mais bien de service, prévient Pauline Huaumé. Comme dans l’hôtellerie, il faut avoir le sens du service et être capable de créer un endroit qui facilite les rencontres et les échanges entre les personnes, car c’est aussi ce que viennent chercher les gens qui se rendent dans des espaces de coworking.”

Et puis, il faut avoir de l’argent ou, du moins, être capable d’en réunir suffisamment. “Pour lancer son activité dans le coworking, il faut avoir une certaine capacité d’investissement : environ 1 million d’euros pour un espace de 1500 mètres carrés en moyenne, répartis entre 800.000 euros d’aménagement et 200.000 euros de besoin en fonds de roulement (BFR)”, conclut Christophe Buckart.

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Journaliste

Jennifer Matas

Ashil

Journaliste depuis 2013, diplômée de Sciences Po Grenoble et de Grenoble Ecole de Management, Jennifer Matas travaille avec l’agence Ashil ainsi qu’avec différentes rédactions spécialisées dans l'entrepreneuriat et l’économie. Depuis plusieurs années, elle suit l’actualité des réseaux (franchise, licence de marque, concession, affiliation, coopérative...) et a animé des conférences à Franchise Expo.