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Culture des Marques

Culture des Marques

ENTRETIEN AVEC JEAN WATIN-AUGOUARD,
AUTEUR DU LIVRE « HISTOIRES DES MARQUES »


Culture des MarquesJean Watin-Augouard,
auteur du livre « Histoires de Marques » (co-édition Eyrolles/ Trademark Ride)

« La marque est à la fois
miroir et acteur de son Temps »



Quel est l’intérêt de se plonger dans l’Histoire des Marques ?

Culture des MarquesDans notre pays, on considère que l’Histoire du XXème siècle a uniquement été façonnée par l’univers du monde politique, alors qu’elle s’est autant construite à travers les entreprises qu’au Parlement. La créativité des entrepreneurs, qu’ils s’appellent Louis Renault ou Coco Chanel, a autant influencé le quotidien des gens et les modes de vie que de simples décrets.
Aux-Etats-Unis, l’Histoire, qui n’a certes que quelques siècles, est tout autant associée aux entrepreneurs qu’aux politiques. Dans le monde anglo-saxon, les entreprises sont très attachées à leur culture, à leur patrimoine. Bon nombre d’entre elles possèdent d’ailleurs un musée, retraçant leur évolution, et utilisent depuis longtemps leur histoire comme outil de communication.
En France, le commerce et le marketing sont souvent estimés de manière irrévérencieuse, tandis que l’histoire des entreprises est considérée comme poussiéreuse. Il est d’ailleurs incongru de se présenter comme historien des marques, alors qu’il est légitime d’être spécialiste de la période Napoléonienne ou de l’Egypte. Le but de mon livre est de réhabiliter la culture de la Marque dans notre pays. Celle-ci est déjà entrée dans le dictionnaire, à travers des noms devenus communs comme Jeep, Frigidaire, Bikini ou Caddie.




Quelle est l’utilité de cette culture de la Marque ?

Culture des MarquesLe passé recèle souvent des pépites qu’il suffit de mettre au goût du jour pour connaître un nouveau succès. Par exemple, la Peugeot 206 CC n’est qu’une adaptation de la Peugeot Eclipse lancée en 1936.
Dans les années 90, la marque Dop commençait à s’essouffler. Elle a alors retrouvé ses racines en occupant son territoire commercial d’origine, l’enfance. Elle a de nouveau renoué avec le succès grâce à un de ses berlingots de savon des années 50, remodelé pour devenir P’tit Dop.
Un phénomène identique est arrivé au Coq Sportif. En partie grâce à un modèle des années 50 retrouvé en quelque sorte « au 3ème sous-sol de l’entreprise » et relooké, cette marque de tenue de sport a réussi à se relancer.
Le patrimoine d’une Marque est riche d’idées, de concepts, prêts à retrouver un public sans jouer la carte de la nostalgie. La marque est un chef-d’œuvre. C’est dans le trait d’union qui unit le chef, son créateur, à l’œuvre, aujourd’hui, qui résident le capital de la marque - son savoir-faire, ses valeurs, ses innovations, sa communication…-, les racines de sa longévité et certaines clés de sa modernité. Elle prouve que le contrat de confiance passé avec ses clients est fondé sur des raisons légitimes et tangibles.

Ces retours dans le passé ne sont donc pas coups de marketing ?


Culture des MarquesNi une potion magique. Ces retours dans le passé sont synonymes de pérennité. En revanche, le consommateur ne supporte plus qu’on lui affirme que tel produit est le meilleur, il a besoin qu’on le lui prouve.
Or, comment mieux établir un contrat de confiance avec le consommateur qu’à travers une relation inscrite dans la durée ? La meilleure traçabilité pour un produit, c’est l’histoire d’une marque, la trace laissée durant des décennies dans notre quotidien. La crème Nivea est née en 1911. Depuis bientôt un siècle, elle est fidèle à sa promesse, celle du soin de la peau.
En puisant dans son patrimoine, une Marque se singularise dans un univers concurrentiel féroce, légitime son savoir-faire et transforme les consommateurs en ambassadeurs de ses produits.

Comment les Marques se sont-elles imposées dans notre Histoire ?


Culture des MarquesToujours en relevant un défi lors de leur création, proche d’une certaine volonté de changer le monde. Et souvent, sans étude de marché préalable. Lorsque Michelin crée le premier pneu pour automobile, il n’existe pratiquement pas de routes goudronnées et de voitures en France !
Le premier micro-ordinateur grand public, le fameux Apple, est né au fond d’un garage de Cupertino, en Californie. Même chose pour la « prise directe », qui a fait la popularité de la voiturette de Louis Renault. Depuis la fin du XIXème siècle, plus aucun événement de l’histoire de France n’a été indissociable de Renault, à commencer par les Taxis de la Marne, le constructeur ayant participé au développement de tous les moyens de transport.
Marc Grégoire, quand il a inventé la poêle Tefal en 1956, initiait la diététique avant l’heure, puisque son produit révolutionnaire ne nécessitait pas l’usage de beurre. Il cherchait à inventer des cannes à pêche et a ainsi trouvé une nouvelle matière pour pouvoir démouler ses modèles de canne sans les casser !

Pourquoi retient-on si peu l’impact des Marques en France ?


Culture des MarquesLes portraits des fondateurs de Kellog’s sont accrochés à l’entrée du siège social de cette entreprise. En France, on a tendance à vouloir gommer le passé. Rendez-vous compte que les entreprises ont mis très longtemps avant d’accepter d’ouvrir leurs archives aux Historiens ! C’est le curieux fonctionnement de l’exception culturelle française : pour vivre heureux, vivons cachés. D’où l’absence de culture de l’entreprise.
Aux Etats-Unis, l’histoire de l’entreprise est enseignée depuis 1928 à Harvard, dans la Business History. Ce n’est que très récemment que la même matière est transmise, sous l’égide de Jacques Marseille, à l’Institut de l’Histoire Economique.

Quel rôle peut jouer l’Histoire des Marques dans les ventes ?


Culture des MarquesL’histoire permet déjà de relativiser certaines techniques de marketing présentées comme nouvelles. Le cobranding, c’est-à-dire l’association de deux marques dans un même discours publicitaire, n’est pas une invention récente. Charles Gervais et la société Frigidaire faisaient déjà ensemble de la publicité sur des affiches en 1919.
D’autre part, on prétend que les consommateurs changent, mais il y a des comportements invariants. Or, si le consommateur apprécie la nouveauté, il est toujours en quête de qualité et de sécurité pour ses produits. Des critères propres aux Marques. On parle de tribus au sein des consommateurs, mais rien ne remplacera l’imaginaire créé par les Marques, la complicité créée avec les consommateurs. La Marque est à la fois miroir et acteur de son Temps.
Animer la Marque avec sa culture permet de légitimerson discours pour renforcer sa crédibilité,de légitimer sa prime de marque pour créer la préférence,de légitimer son savoir-faire, sa culture d’entreprise,sa stratégie etson imaginaire pour proposer une autre « visibilité », de légitimer sa singularité pour la distinguer dans un univers très concurrentiel, de légitimer sa fidélisation auprès des consommateurs pour en faire ses ambassadeurs, et enfin de légitimer sa valeur en tant qu’actif immatériel.

Que faudrait-il faire de plus pour réhabiliter les Marques en France ?


Un récent sondage réalisé par TNS Sofres montre que les marques n’ont pas perdu de leur aura puisqu’elles sont synonymes de qualité à 86 %, de garantie à 81 %, d’innovation à 76 % et de sécurité à 72 %.
Reste que leur rôle dans les grandes mutations, - hygiène, santé, alimentation, mobilité, loisirs, bien-être… – est souvent mal perçu, car il n’est pas ou peu enseigné dans les écoles, grandes ou petites, et même dans les cursus universitaires. Il faut donc entreprendre une révolution culturelle pour changer les mentalités et enfin, réconcilier les Français avec leurs entreprises.

Propos recueillis par François Simoneschi

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