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Le Code de Déontologie Européen de la Franchise : un modèle à suivre … de « self-regulation » !

La Cour de Cassation n’a pas (pas encore !) élevé le Code Européen de Déontologie de la Franchise au rang d’usage professionnel. Non pas qu’elle se soit jusqu’ici refusée à le faire mais parce que la question ne lui pas, à ce jour, été posée. Ainsi et dans un arrêt du 12 octobre 1993, la Cour de Cassation a certes évoqué le Code de déontologie européen de la franchise mais pour constater « qu’il n’apparait ni de l’arrêt, ni des conclusions que le moyen tiré du manquement à l’obligation précontractuelle de renseignements du franchisé résultant du Code de déontologie européen de la franchise ait été invoqué devant la cour d’appel ; (de sorte que) le moyen (…) est nouveau et mélangé de fait et de droit » (Cass. com, 12/10/93, pourvoi n° 91-16312).

Si d’aventure et à l’occasion d’un litige, le moyen tiré du non-respect par un franchiseur ou un franchisé de ce fameux Code venait à lui être posée, il serait de bonne politique jurisprudentielle que la Haute juridiction donne force obligatoire à ce texte dont Guy GRAS, successivement président de la Fédération française de la franchise puis de la Fédération Européenne de la Franchise, disait en 2011 qu’il était « la pierre philosophale de la F.F.F., fil conducteur de tous ses travaux et de toutes ses actions au quotidien » (« La franchise : florilège », éd. Fischbacher, juillet 2011).

La perspective de voir ériger ce Code de déontologie européen de la franchise au rang d’usage est d’autant plus séduisante et cruciale que la version actualisée de ce texte, entrée en vigueur en 2017, en a renforcé la richesse et l’utilité pour un développement harmonieux des réseaux.

Nul besoin de lois ou de règlements pour venir encadrer (et « corseter ») la franchise lorsqu’un code – adopté par l’ensemble des fédérations nationales membres de la Fédération Européenne de la Franchise – a posé les salutaires principes de transparence dans l’information précontractuelle, de loyauté et de bonne foi dans l’exécution du contrat et de primauté de l’intérêt supérieur des réseaux.

Bien avant que le droit français – au travers de la réforme du droit des obligations (issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) – vienne dire que « les contrats doivent être non seulement « exécutés » mais aussi « négociés(et) formés de bonne foi » (nouvel article 1104 du Code civil), le Code de déontologie européen de la franchise, dès 1991, faisait figure de précurseur puisqu’il prévoyait déjà – au point 3.5 – que : « Le candidat franchisé doit être loyal et sincère quant aux informations qu’il fournit à son franchiseur sur son expérience, ses capacités financières, sa formation en vue d’être sélectionné » : ainsi, le Code de déontologie européen de la franchise n’a pas attendu l’ordonnance du 10 février 2016 pour « bilatéraliser » l’information précontractuelle.

Et plutôt que de prendre le risque de saper les fondements de la relation de franchise en inventant des « instances de dialogue » comprenant « des représentants des salariés élus (et) un représentant des franchisés » et qui serait « présidée par un représentant du franchiseur » dans les réseaux de plus de 300 salariés, les Pouvoirs Publics seraient mieux inspirés de s’en tenir à l’engagement exprès désormais clairement affiché dans ce nouveau Code de déontologie européen de la franchise pris par les franchiseurs de « reconnaître (les) franchisés en tant qu’entrepreneur indépendant ».

Ainsi, le franchiseur ne doit « pas créer directement ou indirectement de lien de subordination » (point 2.2 c) et le franchisé doit « collaborer loyalement à la réussite du réseau auquel il adhéré, en toute indépendance et à l’exclusion de tout lien de subordination à l’égard du franchiseur » (point 2.3. a).

Et n’est-il pas tout aussi nécessaire et suffisant de voir poser le principe selon lequel – modernité oblige – le franchiseur doit désormais « informer ses candidats franchisés et ses franchisés de sa politique de vente et de communication sur internet » (point 2.2 j) et « chercher à préserver l’intérêt supérieur du réseau dans le développement de sa politique commerciale sur internet » (point 2.2. k).

Point besoin donc d’autre boussole que ce Code qui, au fil des dernières 40 années – a fait consensus auprès des professionnels, justifiant pleinement sa reconnaissance comme usage s’imposant à tous, franchiseurs comme franchisés, membres d’un réseau adhérent ou non à la Fédération française de la franchise.

Car là est l’enjeu au regard de la question de la force obligatoire de ce Code.

L’aboutissement serait qu’il soit reconnu comme usage au sens où l’entend la Cour de Cassation, dès lors qu’il est « largement connu et régulièrement observé » (Cass.com, 12/03/13, n° 10-24465, JurisData 2013-004322).

Connu, ce Code l’est par la large publicité qui en est faite depuis sa première version et les nombreuses références doctrinales et jurisprudentielles auxquelles il a donné.

Régulièrement observé, il l’est aussi et un grand nombre des franchiseurs l’annexent à leurs contrats de franchise, lui donnant ainsi valeur obligatoire.

Il est temps d’aller plus loin et d’admettre que ce Code devienne impératif pour tous les franchiseurs et les franchisés, sauf à ce qu’il ait été expressément écarté par les parties.

La jurisprudence des juges du fond milite en ce sens.

Ainsi et même en dehors d’une absorption par les parties du Code de déontologie européen de la franchise dans le champ contractuel, les juges se sont en plusieurs occasions référés à ce Code.

Dans un arrêt du 8 janvier 1993, la Cour d’Appel d’Amiens a confirmé un jugement ayant sanctionné un franchiseur, en rappelant que : « Si la loi du 31 décembre 1989 dite loi Doubin relative au contrat de franchise n’était pas applicable à l’époque, la norme AFNOR Z 206000 d’août 1987 et le Code européen de déontologie du franchisage non obligatoire, recommandaient cependant la fourniture, par le franchiseur, aux candidats franchisés, d’une information loyale sur sa situation financière, sur l’importance de son réseau, sur le contenu de son savoir-faire, sur l’assistance technique proposée, les résultats prévisionnels de l’exploitation » (C.A. Amiens, 08/01/93, JurisData n° 1993-043186).

Quant au Tribunal de Commerce de Bordeaux, il a, par jugement en date du 7 mars 1986, sanctionné un franchiseur qui avait procédé à l’installation d’un autre franchisé dans la zone concédée, alors même qu’il n’avait pas été prévu d’exclusivité territoriale dans le contrat de franchise.

Pour parvenir à cette solution, le tribunal a considéré que « l’installation d’un voisin concurrent par le franchiseur constitue un manquement grave aux obligations résultant du Code de déontologie de la franchise » (T. C. Bordeaux, 07/03/86, JurisData n° 1986-040984).

On peut citer également un tout récent arrêt de la Cour d’Appel d’Orléans rendu le 23 février dernier.

Il s’agissait d’un litige dans lequel le contrat de franchise expédié par le franchiseur n’avait pas été retourné signé. Le franchisé n’en avait pas moins mis en œuvre le concept et ouvert et exploité pendant 5 ans un point de vente de restauration italienne sous l’enseigne du réseau. Le litige était né à la suite de la descente d’enseigne effectuée par le franchisé, après un préavis de 6 mois alors que le franchiseur escomptait voir les relations se poursuivre pendant encore 2 ans.

L’intérêt de cet arrêt réside ici dans le fait que, tout en déniant avoir été lié par un contrat de franchise, le franchisé invoquait « divers principes généraux énoncés dans le code de déontologie européen de la franchise » qu’il estimait avoir été méconnus par le franchiseur.

Et la Cour d’Appel d’Orléans de rejeter l’argumentation du franchisé sur ce point non pas parce qu’il aurait été irrecevable à invoquer les principes posés par le Code de déontologie européen de la franchise mais parce que : « La société (franchisée) affirme de façon péremptoire que le franchiseur ne les aurait pas respectés, sans toutefois préciser, et plus encore justifier, (qu’il) les aurait méconnus » (C.A. Orléans, 23/02/17, RG 16/01415).

Autre exemple : dans une affaire ayant conduit à un arrêt en date du 28 mars 2012, la Cour d’Appel de Paris a lourdement condamné un franchiseur non adhérent à la F.F.F. en se fondant sur un rapport d’expertise ayant notamment précisé que : « Le rapport d’expertise précise : « Il ressort des estimations de l’expertise que, si les boutiques pilotes avaient été placées dans un contexte de charges de structure comparable à celui des franchisés, elles auraient été constamment déficitaires au cours de la période examinée » ; que les boutiques pilotes étaient toutes deux parisiennes et la transposition de leur expérience en province n’apparaît pas comme évidente d’autant que l’expert conclut (…) que la société (franchiseur) n’a pas respecté le principe confirmé par le Code de déontologie de la Fédération française de la franchise selon lequel le concept de franchise doit être expérimenté avec succès avant le lancement du réseau (…) » (C.A. Paris, 28/03/12, RG 09/21483).

Alors et comme Martin Luther King, faisons un rêve, un rêve que le Préambule du nouveau Code de déontologie européen de la franchise transformera demain en réalité.

Ce Préambule constitue en effet la preuve que le Code de déontologie européen de la franchise est désormais une norme professionnelle, au sens juridique du terme.

Ce Préambule souligne ainsi que ce Code « constitue le Code de l’autorégulation du système de la franchise applicable à tous les acteurs de ce système en Europe qui recherchent des lignes de bonne conduite de la franchise » (point 4).

Et le point 11 de ce Préambule d’enfoncer le clou : « Après 40 ans d’expérience en tant qu’unique voix de la franchise en Europe, la FEF considère qu’une autorégulation forte constitue l’outil le mieux adapté au système de la franchise en Europe. C’est sur cette base que le système de la franchise a contribué, de manière significative, à a promotion de l’entrepreneuriat, et en particulier au développement des PME et du commerce moderne, ainsi qu’à la création d’emplois en Europe ».

Aussi, franchiseurs et franchisés de tous les pays de l’Union Européenne, unissez-vous … sous la bannière du Code de déontologie de la franchise !


Article issu de l’Atelier organisé le 6 juin 2017 par la Fédération française de la franchise et co-animé par Guy Gras et Rémi de Balmann sur le thème : « Le Code de déontologie européen de la franchise version 2017 : Entre tradition et modernité ! ».

Le Code de Déontologie Européen de la Franchise : un modèle à suivre … de « self-regulation » !

Rémi de BALMANN
D, M & D Avocats
Avocat associé – Gérant
[email protected]

Maître Rémi de Balmann
Avocat
Maître Rémi de Balmann

Avocat associé responsable du Contentieux de la Distribution au sein du Cabinet D, M & D, Rémi de Balmann défend les intérêts des "têtes de réseaux" confrontées à des situations de crise : conflits franchiseurs/franchisés, concurrence déloyale, parasitisme; tentatives de déstabilisation.
Rémi de Balmann apporte également son appui aux franchiseurs dans le domaine du droit des marques (contrefaçon...) et de la réglementation économique (prix, publicité, soldes...).
Dans le cadre de ses activités de conseil, Rémi de Balmann met sa connaissance du contentieux au service de la politique du précontentieux prônée par le cabinet D, M & D.

Il est aujourd'hui coordinateur du collège des Experts de la Fédération française de la franchise (FFF).

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