Dossiers de la franchise
Franchise : comment se lancer avec un concept étranger ?
Dans nos villes et nos campagnes françaises s’ouvrent toujours plus de magasins issus de grandes chaines, dont de nombreuses marques venues de l’étranger. Viennent immédiatement à l’esprit les grands noms de la restauration rapide, qu’ils soient là depuis des décennies (Mc Donald’s) ou plus récemment implantés (Subway). Mais le phénomène concerne également des concepts aussi divers que le marché de l’occasion, le textile, l’immobilier ou les centres-auto.
Si certaines enseignes font le choix d’un développement en propre ou en partenariat, la plupart d’entre elles optent pour le système de la master-franchise afin d’accélérer leur développement. Nous vous proposons d’analyser, en compagnie d’experts et de responsables de réseaux de franchise, la recette appliquée par ces marques pour s’imposer sur le marché français, après quelques déboires parfois.
Les bonnes questions à se poser
Selon les chiffres arrêtés en 2009 et communiqués par la Fédération Française de la Franchise, on compte 128 réseaux d’origine étrangère en France ayant choisi ce mode de déploiement. Citons parmi les plus connus Midas, Pizza Hut ou encore Cash Converters. Certains d’entre eux ont connu des débuts difficiles, comme Domino’s Pizza, qui dut s’y reprendre à deux fois. Car importer une marque connue dans son pays d’origine ne constitue pas un gage de succès… Il s’agit de bien préparer son étude de marché et de tester le concept le temps suffisant, avant de lancer un déploiement à grande échelle.
Il est nécessaire, lorsqu’on entame la réflexion sur l’importation d’un réseau ou bien d’une marque en France, de se poser les bonnes questions. Il ne s’agit pas de voir les choses sous l’angle «j’achète un concept », mais plutôt de l’envisager comme une association avec le franchiseur du pays d’origine. Habitué à assister des développeurs français dans le cadre de l’activité de son Cabinet DMD, Maître Olivier Deschamps indique qu’il est nécessaire de se demander si « le franchiseur étranger est un opportuniste cherchant à céder son concept au plus offrant, ou bien un fin stratège, convaincu de la possibilité de succès hors de sa contrée natale ».
Puis survient la problématique de l’adaptation aux spécificités françaises. Le concept peut-il marcher tel quel ou bien doit-il être ajusté et quel est le coût des études nécessaires pour trouver un modèle fonctionnel ? La transmission du savoir-faire est également essentielle et il faut bien prendre en compte la barrière de la langue et les nécessaires traductions à prévoir.
Enfin, ne pas négliger les questions relatives à la marge de manœuvre dont on dispose. Le créateur du concept a-t-il totalement verrouillé son modèle, a-t-il laissé la possibilité de changer son concept en fonction des habitudes de tel ou tel pays ? On pense notamment aux menus universels de Mc Do, qui comportent néanmoins des tapas en Espagne ou des salades en France…
Une période de test de plusieurs mois
Il faut se concerter avec le franchiseur pour définir clairement qui est décisionnaire concernant les recrutements, les profils recherchés, les implantations visées… Est-ce le master-franchisé ou la maison-mère ?
Une fois qu’on a fait le choix de son enseigne, que les fonds ont été réunis et que les banques ont approuvé le projet, il est conseillé, comme pour une franchise nationale, d’ouvrir un magasin-pilote sur une période d’au moins 12 mois, afin de faire un bilan sérieux de l’activité sur les quatre saisons. Car chaque pays a ses particularités et on trouve aussi d’importantes disparités selon les régions. « Ainsi, se remémore Gilbert Mellinger du Cabinet de franchise EPAC, Mezzo di Pasta, une franchise française de restauration spécialisée dans la vente de pâtes, a du revisiter son offre et sa gamme de prix lorsque, après Strasbourg, elle a démarré la franchise en Bretagne ».
En termes juridiques, les choses se présentent plutôt bien pour un master français, car notre DIP (Document d’Information Pré-contractuel) se révèle plus simple que ses équivalents étrangers, mais l’appel à un cabinet juridique reste évidemment indispensable pour rédiger un contrat conforme.
Enfin, il ne faut pas négliger de bien sécuriser le financement : « il s’agit d’être certain que l’investissement consenti n’est pas trop important, en prenant en compte les frais d’approvisionnement, qui peuvent être démultipliés si la marchandise vient de l’étranger », précise Maître Deschamps.
Témoignages des dirigeants de Cash Converters et de Cartridge World
Nous avons recueilli les témoignages de deux dirigeants de réseaux français d’enseignes d’origine australienne, dont les marques ont connu des parcours sensiblement différents au moment de leur arrivée en France, avant de finalement s’implanter avec succès.
Christian Amiard – Cash Converters
« Après des années de succès dans son pays d’origine, l’Australie, et de par le monde, où l’enseigne comptait 350 magasins au milieu des années quatre-vingt-dix, le concept de Cash Converters a été importé en France et testé pendant une année sous la forme d’un magasin pilote. Il a fallu adapter le concept car la législation française n’autorisait pas la pratique des activités connexes que sont le prêt sur gage ou l’avance sur salaire, aussi nous nous sommes concentrés sur le cœur de métier, l’achat-cash. Sur ce domaine spécifique, il y eut finalement peu de différences notables, les produits fonctionnant le mieux étant sensiblement les mêmes dans le monde entier.
Au bout de quatre années, Cash Converters comptait déjà 100 unités en France. Mais le développement fut sans doute trop rapide, et en l’an 2000, un essoufflement se fit sentir, aggravé par l’annulation de l’entrée en Bourse prévue.
J’étais à l’époque déjà multi-franchisé, et à ce titre, participais aux réunions du comité de direction. C’est avec soulagement que j’ai accueilli la courageuse décision de la maison-mère australienne de stopper temporairement le prélèvement des royalties, afin de ne pas peser sur la marche de Cash Converters en France. Cela n’a pas empêché une scission du groupe : 15 franchisés quittèrent le navire pour fonder Easy Cash, tandis que d’autres se regroupaient sous les bannières de Cash Express, de la Trocante, d’Eurocash, d’autres enfin choisissant de devenir indépendants.
Cash Converters faillit bien disparaître, puisqu’à l’issue de ce mouvement, on ne comptait plus que 17 unités en activité… Trois années de procédures juridiques furent nécessaires pour finaliser la création de Cash Converters Europe en 2004, nouvelle master-franchise dont je pris la co-direction avec Bruno Bée.
Si le groupe est parvenu à surmonter ces difficultés, c’est tout d’abord parce qu’il s’appuie sur un concept fort ayant fait ses preuves. Nous avons relancé la machine et sommes parvenus à séduire de nouveaux franchisés en innovant sans cesse, et continuons sur cette voie, avec notamment la mise en ligne récente d’un nouveau site web et d’un logiciel de gestion remanié, le lancement du format de centre-ville City et, plus récemment, la mise à disposition d’une appli iPhone ou encore le partenariat signé avec Western Union.
Nous sommes remontés aujourd’hui à près de 90 magasins en France, proches de nos niveaux d’avant la scission et espérons atteindre la centaine d’unités à la fin de cette année 2011. »
Lionel Dindjian – Cartridge World
« Petit retour en arrière pour débuter : né en Australie, le concept Cartridge World a rapidement été exporté en Nouvelle-Zélande où il a connu le succès. C’est alors qu’un Britannique, David Parkinson, se montra volontaire pour diffuser Cartridge World en Europe, en débutant par sa terre natale, l’Angleterre.
Un point de vente pilote fut implanté à Harrogate dans le Yorkshire en février 2001 et, en l’espace de deux ans, le Royaume-Uni comptait déjà 180 unités ! L’Australie s’est alors mise à la recherche de masters pour couvrir l’ensemble du territoire européen, en commençant par la Grèce, le Portugal et l’Allemagne. C’est à ce moment que je fus engagé pour gérer l’arrivée du réseau dans l’Hexagone.
Après une étude de marché confirmant que le taux d’équipement en imprimante était suffisant pour pénétrer le marché français, la décision fut prise de se lancer directement sans passer par un pilote.
Nous avions au préalable longuement pensé à l’adaptation du concept au goût français, optant pour un aspect plus qualitatif des boutiques, dotées de mobilier en bois et d’une vitrine de verre, contrairement à l’opacité qui caractérisait les points de vente anglo-saxons. La traduction des accroches fut également un passage obligé auxquels nous conférâmes une importance particulière, car il fallait que le procédé de la recharge de cartouche d’encre, jusqu’alors inconnu en France, soit immédiatement parlant et que nos compatriotes en saisissent immédiatement le concept.
Les deux premiers magasins ouvrirent à Lille et à Boulogne-Billancourt fin 2003, le franchiseur participant largement à leur financement aux côtés des franchisés, afin de partager les risques. Le succès fut immédiat et la recherche de franchisés sur l’ensemble du territoire démarra sans tarder, par la publicité, une présence sur les salons d’entrepreneuriat et sur Internet. Le réseau compte désormais près de 150 unités en France et de nombreux franchisés dirigent plusieurs points de vente. »
Si certains master-franchiseurs ont des profils de purs investisseurs, la plupart sont de véritables opérationnels, des personnes mettant réellement le concept en place et cherchant à le suivre jour après jour, ceci afin de maximiser les chances de succès et d’amortir au plus vite les investissements consentis au départ dans le développement. Comme dans une franchise se développant sur un seul pays, la base de la réussite du projet réside dans la bonne entente entre les parties, un financement solide et des tests menés avec sérieux à grande ou plus petite échelle.
Et Gilbert Mellinger de conclure, « D’après mon expérience, même s’il peut y avoir eu des démarrages difficiles, les bons réseaux finissent par survivre, après un temps dévolu à la recherche, au paramétrage et à l’affinage du concept au nouveau territoire ».
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