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L’importance du site pilote en franchise

Devenir franchiseur exige que vous puissiez transmettre à vos franchisés un savoir-faire « secret, substantiel et identifié ». Vous devez avoir suffisamment testé votre concept pour en valider le caractère distinctif et votre capacité à faire réussir vos futurs partenaires. Si certains créateurs de concept sont sûrs de leur fait, leur perception peut aussi être biaisée - faute de l’avoir mis à l’épreuve du marché dans des conditions réelles. C’est précisément l’objet de la phase de pilotage, que de leur permettre de le faire à l’échelle d’un ou de plusieurs « sites pilotes ». Dans cet article, nous vous disons tout sur l’importance de ces derniers, avec le témoignage de Marion Tesson, fondatrice de box’n services et l’éclairage de Laurent Delafontaine, fondateur du cabinet Axe Réseaux et membre du collège des experts de la FFF.

Le site pilote : une étape cruciale dans le développement du réseau

L’importance du site pilote en franchise

L’origine normative de la pratique … mais pas que

Les réseaux de franchise sont soumis à un Code Européen de Déontologie dont la première version remonte à 1972. Parmi les conditions de succès, il énonce la nécessité d’« avoir mis au point et exploité avec succès un concept pendant une période raisonnable et dans au moins une unité pilote avant le lancement du réseau. »

Laurent Delafontaine souligne cependant « les juges s’inspirent de plus en plus de ces dispositions. Au point que ce préalable devient un peu une obligation légale par destination, même s’il est logique d’avoir validé un produit, un service ou un système avant de le vendre », estime l’expert.

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La nécessité de donner certains gages à vos candidats

Le créateur d’un concept doit lui-même faire état de sa propre expertise. « Par exemple Jean-François Feuillette, fondateur du réseau éponyme, a été diplômé et formé, puis a pratiqué comme chef pâtissier et a ouvert puis géré ses propres boutiques avant de lancer son concept. Si demain l’un de ses franchisés connaît des difficultés, il a de grandes chances de pouvoir l’aider puisqu’il sera passé par là avant lui », ajoute-t-il.

C’est l’intérêt d’un site pilote, ainsi qu’à prévenir des désagréments futurs. Et le règlement d’un droit d’entrée et de redevances rémunère les gains d’efficacité et la sérénité ainsi procurés.

Ne pas vous méprendre quant au type d’expérimentation à mener

Prenons l’exemple d’une enseigne succursaliste opérant dans la construction de maisons individuelles. Si demain elle décide de se franchiser, on imagine qu’elle maîtrise le savoir-faire de son coeur de métier, et qu’il n’y a pas besoin d’attendre un ou deux ans pour savoir si son modèle est rentable.

Mais si la même enseigne se dit « après la construction de maisons je me diversifie dans le courtage de travaux » sans en avoir jamais fait, elle devra déjà expérimenter ce savoir-faire et idéalement en site pilote. Mais pas plus. « S’il a commencé par être succursaliste, le juge demandera au franchiseur de maîtriser le savoir-faire, pas la posture de franchiseur elle-même ! », rappelle le consultant.

Il y a quelques années, le fondateur d’Axe Réseaux avait accompagné un courtier en travaux qui n’avait pas de site pilote. Mais ce client a pu se passer d’un pilote, car son concept s’appuyait sur le modèle d’un gros concurrent, tout en présentant une offre plus complète et différenciante.

Quand deux sites valent mieux qu’un : la stratégie box’n services

Marion Tesson explique son choix de s’appuyer sur deux sites pilotes. « Notre concept de conciergerie s’adresse aux entreprises, mais on trouve à Paris des tours multi-entreprises pouvant compter des milliers de collaborateurs. Contrairement à la Province, où les bureaux sont souvent de plus petite taille ou mono-preneur. D’où l’intérêt d’expérimenter deux sites », argumente-t-elle.

Quels aspects clés tester et valider dans un site pilote ?

Les sites pilote sont des laboratoires grandeur nature permettant de valider d’innombrables paramètres d’exploitation.

Les domaines de test proprement dits

Pour notre consultant, le premier élément à valider est le modèle financier. « Le pilotage vous permet de savoir s’il est rentable, à quel horizon et si c’est à une échéance raisonnable. A défaut, renoncez ! », prévient-il.

Ensuite il faut s’attarder sur la notion de rentabilité, car certains s’en font une fausse idée… « Imaginons que vous êtes un succursaliste générant une rentabilité de 8%, que le modèle en franchise vous procure 2 points de plus mais que vous demandiez par ailleurs 5% de redevances. Il reste au franchisé une rentabilité correcte de 5%. Mais si votre rentabilité n’est que de 5% avec les mêmes montants de redevances, cela change tout ! », illustre-t-il.

Vous devez aussi exploiter votre franchise avec les mêmes paramètres que ceux validés lors du pilotage. Assurez-vous qu’il est bien duplicable en l’état, « toute France » et qu’il ne repose pas sur un site exceptionnel – ou sur un individu clé, dont le talent surpassera trop celui des franchisés ensuite recrutés.

Enfin, votre pilote doit respecter les réglementations en vigueur. « J’ai connu un jeune concept de crèches dont le pilote rencontrait de bons résultats économiques car (i) il ne respectait pas le ratio légal d’enfants par nurse et (ii) il payait un loyer bas - son local enfreignant la réglementation des ERP ... Remis dans les normes, ce concept aurait généré des pertes ! », reconnaît le membre du collège des experts de la FFF.

Les KPI à surveiller

Conformément à ce qui précède, ils sont principalement financiers et commerciaux. Et pour notre expert, deux indicateurs ressortent particulièrement :

· Le CA à l’aune de la fréquentation : « si vous avez 100 clients en Jour 1 et que cela monte bien jour après jour, parfait. Mais si vous passez de 200 à 50 clients à j+30, vous en déduirez que cela tenait surtout à un effet découverte ... », décrypte-t-il .

· L’Excédent Brut d’Exploitation (EBE). Un ratio fiable, bien que variant selon le secteur et les types de charges, tout comme les autres indicateurs à surveiller d’ailleurs.

Le cas box’n services

Marion Tesson nous confie avoir épluché les deux pilotes sous tous les aspects.

1ère étape : Tester les bases du business model

Depuis 2015 son modèle reposait sur la conciergerie connectée, mais il n’était pas assez rentable. « Nous avons décidé de pivoter et ajouter de l’humain, pour que nos entreprises clientes adoptent davantage nos services. Cela a aussi amélioré notre taux de renouvellement contractuel, et c’est là (en 2021) que l’envie de franchise est apparue », relate-t-elle.

À la suite d’un audit, box’n services sera accompagné par un cabinet de conseil (Framboise). Grâce aux particularités de ce premier modèle « connecté », Marion Tesson dispose alors de nombreuses statistiques d’usage, qu’elle pourra confronter à celles découlant de son second modèle (avec un concierge physique). Soit un levier fort de modélisation.

L’importance du site pilote en franchise

Marion Tesson ci-dessus

2nde étape : Arbitrer les prérogatives entre les franchisés et la tête de réseau

Il fallait savoir quel profil recruter, quelles compétences privilégier et développer, et arbitrer entre ce qui était franchisable et ce qui devait être centralisé.

Il en a résulté que les affiliés, ancrés territorialement, iraient chercher les prospects puis géreraient les clients. Et que la tête de réseau les déchargerait du volet communication et sourcerait les bons logiciels. « Nous devions partager des éléments de charte et des canaux de communication efficaces pour faire gagner du temps à nos franchisés tout en gardant la main à des fins de cohérence. Enfin, la phase pilote nous a permis de finaliser la plateforme, véritable pivot et gros facteur de différenciation vis-à-vis de nos concurrents », explique la franchiseuse.

3ème étape : Savoir donner le « Go »

Il y a deux ans, Mylène Balat a contacté celle-ci avec le désir de couvrir la région Vendée. « Elle était très motivée et nous avons eu le coup de cœur pour elle. A l’époque nous n’étions pas encore accompagnés, et j’avais déjà des échanges avec des prospects potentiels. Mais là, ça a matché et je me suis dit que c’était le moment », confie Marion.

Le contrat a été signé en février dernier, Mylène ayant patienté le temps que nous soyons prêts avec toutes les cartes en main pour lancer le réseau. « Je la remercie d’avoir joué le jeu de faire les choses dans le bon ordre et avec le bon timing ! », salue la fondatrice de box’n services.

Combien de temps faut-il exploiter le site pilote avant de vous lancer ?

La durée de la phase de pilotage est l’un de ses facteurs clés de succès.

La règle dite des « 3/2 » est-elle toujours d’actualité ?

Elle prescrit qu’une phase de pilotage doit s’appuyer sur 3 pilotes pendant 2 exercices complets ou bien l’inverse. Mais pour notre consultant, elle est loin d’être un totem.

« Si vous êtes glacier et que votre emplacement est face aux caisses d’un Auchan, normalement vous performez … ou alors il y a un problème. Ici le cycle de vente produit est très court. Mais il arrive qu’il soit autrement plus long, comme dans la transaction immobilière où il faut plus de temps avant que vos comptes de résultats ne parlent ! », analyse le fondateur d’Axe Réseaux. Ce dernier reconnait davantage le bilan comptable en juge de paix. En un exercice, vous aurez le temps d’y voir les investissements consentis, le résultat atteint, la rentabilité ... », assure-t-il.

S’agissant du nombre d’unités, si votre pilote revêt des conditions d’exploitation suffisamment généralisables, vous n’avez pas besoin d’en avoir davantage. « Mais si vous testez votre concept dans un salon de coiffure de 300 m² dans le centre de Rennes et que vous installez votre premier franchisé dans un CC de 50m² en Ile-de-France, cela change tout et ce n’est plus comparable. La question se pose alors de savoir pourquoi l’avoir mis dans une configuration aussi différente de la réalité prévisible du marché et du développement futur ? », poursuit-il.

Le cas box’n services

Le retour d’expérience de Marion Tesson est éclairant. « Depuis 2015 nous avons pu tester beaucoup de choses et sous deux modèles différents. Cela a bien mis quatre ans pour murir dans ma tête avant d’entériner notre lancement. Les trois dernières années furent les plus constructives car nous avions clarifié notre business model », relate-t-elle.

box’n services et son développement

  • Deux pilotes : Nantes (siège) et Paris
  • Deux franchisés : La Roche-sur-Yon, Lyon + 1 projet en cours. « Nous voulions commencer avec réalisme, ajuster avec le 2ème, pour finaliser notre concept avec le 3ème », précise la fondatrice.
  • 2025 : ouvrir 4/5 nouvelles unités. « Et notre objectif final est de mailler les 15 premières villes de France, car le nombre d’entreprises tertiaires d’un belle taille limite structurellement notre marché », explique-t-elle.
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Comment les pilotes évoluent-ils dans le temps ?

Pour Laurent Delafontaine, ces sites ont vocation à rester des lieux de R&D, de formation et de mise en pratique pour les franchisés – d’autant qu’ils peuvent aussi être proches du siège.

« Si vous avez 12 succursales, vous voudrez à un moment en vendre à des franchisés, ou en garder un par grande région, afin de décentraliser votre recrutement et votre formation. Mais si vous les vendez à des tiers, cela signifie aussi que le site n’est plus aussi attrayant ... », prévient-il.

Chez box’n services, les deux pilotes ont autant des sites écoles que des sites actifs d’exploitation.

Pour en savoir plus sur comment devenir franchiseur, lisez notre fiche !

Quelles erreurs fréquentes à éviter avec vos pilotes ?

Si recourir à des sites pilotes est une précaution louable, gardez-vous de commettre certaines erreurs.

Pour le consultant, l’écueil n°1 est de déployer un modèle différent de celui validé en pilotage. « Il ne sert à rien de définir un modèle-cible si vous ne le respectez pas ou s’il n’est pas validé comme suffisamment réplicable sur votre territoire », avertit le praticien.

Second écueil, ne pas suffisamment suivre votre pilote, et ne pas assez débriefer avec votre exploitant sur les indicateurs de départ. L’avantage d’un contrat de pilotage est qu’il opérationnalise les choses et vous met, vous et votre pilote, dans une « seringue de vérification-validations ». Les résultats seront plus faciles à intégrer dans le manop et les différents référentiels d’exploitation du concept.

Autre écueil : le manque d’agilité. Le pilotage révèle des limites au modèle et vous donne de nombreuses occasions de l’améliorer. L’enjeu tient plutôt au fait de savoir jusqu’où vous pouvez aller sans dénaturer votre concept.

Le dernier point de vigilance tient au délai de « mise sur le marché » du concept. Soit vous risquez de vous lancer trop tôt, en pensant que « ça se présente bien » mais sans avoir de chiffres confirmant votre intuition. Soit vous attendez trop alors que les chiffres sont là, peut-être parce que vous doutez du projet ou de la formule retenue. Dans ces moments-là vous apprécierez d’avoir un sparring partner pour challenger une perception peut-être lacunaire ou erronée.

Futurs franchiseurs, ne zappez pas la phase de pilotage ! Elle est une occasion unique de peaufiner votre concept dans les conditions du marché, pour lui donner les meilleures chances de se dupliquer et de performer. L’Observatoire de la Franchise est la plateforme incontournable pour valoriser votre enseigne et vous mettre en relation avec des candidats préqualifiés.

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Nicolas Coutel
Conseil éditorial - rédacteur
Nicolas Coutel

Conseil éditorial depuis 2017, Nicolas Coutel dispose de quinze ans d’expérience en marketing et communication - dont 10 ans chez Mazars où il a contribué au développement d’une offre de service à destination des réseaux de franchise.

C’est sur cette base qu’il décide de créer son activité, pour se consacrer à l’écriture de contenus pour les enseignes et leur écosystème de conseils.

Titulaire d’une maîtrise en droit public, Nicolas est également diplômé du programme Grande Ecole de Neoma Reims et d’un Master 2 en Sciences de gestion. Féru de développement personnel, il est aussi titulaire d’un certification en coaching professionnel.

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