Entretien avec Pascal Lescouzères
Il a fait de La Trocante une chaîne qui comptait près de 80 dépôts-ventes en 1996. Erreur de jeunesse, défaut de gestion, il a dû déposer le bilan en 2002.
Aujourd\'hui, avec des finances assainies, le fondateur de La Trocante affiche de nouvelles ambitions.Pascal Lescouzères fait renaître La Trocante
Comment êtes-vous devenu franchiseur ?
En 1982, j\'ai créé mon premier dépôt-vente à Rennes avec l\'aide de mes parents et de prêts étudiant ! Puis j\'ai ouvert mon deuxième magasin en 1985 et ensuite un troisième plus (2200m2). A partir de là, j\'ai décidé d\'in- d\'informatiser l\'ensemble de mes points de vente. Je me suis donc rapproché de mon franchiseur, mais ce dernier n\'avait aucune volonté d\'investissement.
Avec un informaticien, nous avons créé le logiciel informatique. Et en 1988, j\'ai racheté aux fondateurs de La Trocante, Gérard Bayle et Jacques Odera, la chaîne de franchises qui comptait sept magasins.
Les débuts ont-ils été difficiles ?
Oui, car à l\'époque La Trocante n\'était pas un vrai réseau avec un concept défini. J\'ai fait le tour des magasins et découvert que les franchisés, livrés à eux-mêmes depuis cinq ans, ne voulaient pas payer ! Je leur ai donc accordé un délai de deux ans. Ensuite, j\'ai modifié le logo de l\'enseigne et dynamisé son développement
avec huit créations de dépôts-ventes en 1989.
Pourquoi avoir créé une centrale d\'achat ?
En développant l\'enseigne, j\'ai décidé de rémunérer les franchisés avec un fixe. Pour plus de garantie, nous leur proposons de vendre des produits neufs, comme de la literie. Ces produits sont achetés par la centrale que j\'ai créée en 1989 et nous ne touchons notre commission que lorsqu\'ils sont vendus. Le système fonctionnait, puisqu\'en 1996 notre réseau comptait, près de 80 magasins.
Comment expliquez-vous les piètres résultats de La Trocante en 2000 ?
Avec La Trocante, j\'ai découvert les antiquités. J\'ai donc suivi un cursus à l\'Institut d\'études supérieures des arts de Paris. Ensuite, je me suis passionné pour les tableaux. Et en 1996, j\'ai confié la gestion de La Trocante à mon jeune frère Thierry et à un ami d\'enfance, afin de me consacrer à ma passion et d\'ouvrir une galerie de peinture. Je n\'ai pas eu de chance, car tous deux ont eu simultanément des déboires familiaux.
D\'où un manque de gestion du réseau. Quand je m\'en suis rendu compte je n\'avais plus aucun contrôle sur les franchisés.
Vous avez dû faire le ménage au sein du réseau ?
Dans les écoles de commerce, on nous apprend à développer des entreprises, mais pas à les fermer. Je suis donc allé chercher un expert en stratégie à la Cegos. J\'ai rencontré Gérard Mikaelina, spécialiste du développement à l\'origine de Campanile. Il m\'a aidé à restructurer la société. J\'ai dû tailler dans les branches. Ainsi, je possédais dix magasins en propre et je suis passé à quatre. J\'ai confié la direction de la centrale d\'achat à Jacques Odera. Enfin, je me suis concentré sur le réseau de franchises. Pour ce faire, j\'ai recruté un nouveau directeur de réseau et un directeur financier. Nous sommes ainsi passé de 80 magasins à 60. Quant à mon frère, il est devenu simple franchisé à Quimper et mon ami d\'enfance directeur de l\'un des magasins dont je suis propriétaire.
Avec une telle reprise en main, vous n\'avez pas pu éviter le dépôt de bilan en 2002 ?
Même si je suis allé très vite dans le plan de restructuration, il me manquait six à sept mois ! J\'ai donc provoqué le dépôt de bilan. Mais tous mes fournisseurs ont continué à travailler avec moi. A l\'époque, j\'ai également expliqué la situation à chaque franchisé. Aujourd\'hui, le plan de continuation a été accepté et La Trocante
a réglé fin décembre la première partie de ses dettes.
Votre conception du métier de franchiseur a-t-elle évolué ?
Beaucoup. Le métier de franchiseur est difficile, car il faut savoir convaincre les franchisés et devancer leurs désirs. Désormais, je visite systématiquement tous les magasins qui ouvrent et ceux qui ont des difficultés. Les franchisés ont besoin d\'indépendance mais aussi d\'être guidés.
Quand La Trocante a déposé son bilan, il y avait 55 franchisés qui ne m\'ont pas lâché. Aujourd\'hui, ils bénéficient d\'un contrat fondateur qui leur accorde des conditions privilégiées. C\'est ma façon de les remercier.
Quelles sont vos ambitions avec Eurocash ?
Eurocash (10 points de vente) a été fondé par d\'anciens franchisés de Cash Converters. Avec eux, nous avons créé une filiale dans laquelle La Trocante détient 55 % des parts. Notre ambition est d\'ouvrir cette année huit magasins. Nous leur apportons notre savoir-faire de franchiseur.
Avez-vous d\'autres projets ?
En 2006, je pense que nous serons prêts à lancer Trocmode. Nous avons déjà trois magasins de ce type qui fonctionnent bien, car nous avons revu le mobilier, le logo, le concept. L\'arrivée d\'Eurocash a retardé ce développement, mais c\'est pour bientôt car le concept est bon ! •
Propos recueillis par Emmanuelle Evina