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Retour sur les mesures étudiées par l'Autorité de la Concurrence pour la distribution alimentaire par le Cabinet Simon

Au mois de décembre 2010, jugeant préoccupante la manière dont se développent les commerces dans certaines zones en France, notamment au regard de la concentration de certaines marques alimentaires sur des territoires et des zones de chalandise restreints, l'Autorité de la Concurrence a fait un certain nombre de propositions.
Flore Sergent, avocate au sein du Cabinet Simon Associés, a accepté de répondre aux questions de l'Observatoire sur ce sujet d'actualité.


L’Autorité de la Concurrence a jugé préoccupante la concentration de certaines zones de chalandise en France, et les conséquences de cette situation sur les futures implantations de commerces alimentaires. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?

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Retour sur les mesures étudiées par l'Autorité de la Concurrence pour la distribution alimentaire par le Cabinet SimonFlore Sergent, du Cabinet d'avocats Simon Associés : L’Autorité de la concurrence juge en effet que la situation de la concurrence est préoccupante dans certains secteurs et dans certaines zones de chalandise. Elle indique par exemple que, s’agissant des hypermarchés, au moins 30 % des zones de chalandises ne voient s’affronter que quatre opérateurs. Elle constate une situation similaire s’agissant des commerces de proximité, dans 70% des communes étudiées.

Néanmoins, il ressort de ces mêmes chiffres que la situation préoccupante constatée par l’Autorité de la concurrence, si elle touche une portion non négligeable du marché, n’est générale ni s’agissant de l’activité (l’Autorité constate ainsi que la situation est moins préoccupante pour les supermarchés que pour les hypermarchés), ni s’agissant des marchés géographiques concernés.

Une réponse généralisée à tout le secteur, telle que l’intervention du législateur envisagée par l’Autorité de la concurrence, me semble par conséquent excessive, en ce qu’elle tendrait à limiter la liberté contractuelle, au nom de la protection de la concurrence, même dans des lieux et dans des activités où la concurrence n’est pas significativement en danger.

La législation actuelle vous paraît-elle répondre à la situation telle qu’on la connaît ou doit-elle inévitablement évoluer ?

La législation actuelle pose un principe général d’interdiction des ententes qui ont pour objet ou pour effet de restreindre significativement la concurrence.

La mise en œuvre de cette interdiction implique l’analyse concrète des atteintes portées à la concurrence. Les pratiques anticoncurrentielles font l’objet d’un examen par l’Autorité de la concurrence, qui a le pouvoir d’y mettre fin (mesures conservatoires, injonctions, sanctions pécuniaires et acceptation d’engagements, notamment). Dans le cadre des contrats de distribution, l’Autorité s’inspire du règlement d’exemption communautaire relatif aux restrictions verticales. Ainsi, en principe, les accords passés par des opérateurs dont aucun ne détient une part de marché supérieure à 30 % sont exemptés de l’interdiction des ententes, sauf dans certaines hypothèses, par exemple s’ils contiennent certaines clauses sensibles (prix imposés, clause de non-concurrence disproportionnée, etc.).

La théorie des effets cumulatifs lui permet d’appréhender les hypothèses où un comportement donné n’est pas susceptible, à lui seul, d’exercer un effet significatif sur la concurrence en raison de la taille des opérateurs concernés, mais où la concurrence est effectivement menacée en raison des effets cumulés de différents contrats dans un même réseau et/ou des comportements similaires de différents opérateurs.

La législation actuelle permet donc d’apporter une réponse concrète et proportionnée à une atteinte à la concurrence qui a été effectivement constatée. Il n’apparaît donc pas que la législation doive inévitablement évoluer. L’Autorité de la concurrence évoque d’ailleurs elle-même d’autres solutions, appelant en premier lieu, avant d’envisager l’intervention du législateur, les opérateurs concernés à mettre en œuvre ses recommandations.

L’Autorité propose plusieurs mesures-phares pour faciliter l’implantation de commerces alimentaires dans ces zones (limitation à 5 ans de la durée des contrats d’affiliation, interdiction des droits de priorité…). Ces mesures vous semblent-elles adaptées à la situation actuelle ?

Les mesures préconisées, si elles sont susceptibles d’avoir les effets escomptés par l’Autorité de la concurrence en matière d’amélioration de la concurrence sur les secteurs où la situation de la concurrence est préoccupante, présentent le double inconvénient d’appliquer un régime rigide et uniforme à des situations très diverses et de porter atteinte au principe de la liberté contractuelle même dans des hypothèses où une telle atteinte n’est pas justifiée par la nécessité de protéger la concurrence.

Par exemple, la limitation de la durée des contrats à 5 ans ne permettra pas toujours au distributeur (franchisé par exemple) d’amortir les investissements qu’il a dû faire à son entrée dans le réseau ; une limitation législative à 5 ans interdirait ainsi toute souplesse d’appréciation. De même, la limitation des clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation post-contractuelles à un an et au magasin du distributeur conduirait à annuler des clauses qui sont aujourd’hui considérées comme valides car proportionnées à l’intérêt protégé, bien qu’elles portent sur plusieurs départements ou soient d’une durée de plusieurs années.

Par ailleurs, l’interdiction des droits de priorité porterait elle aussi atteinte à la liberté contractuelle et au droit de priorité y compris dans des hypothèses où l’atteinte à la concurrence ne serait pas avérée.

Une nouvelle loi d’envergure nationale pourra-t-elle réellement être aussi efficace à Paris, en province ou dans les zones rurales, autant de paysages présentant des physionomies très différentes… ? Quid de l’harmonisation européenne sur le sujet de la concurrence ?

Une nouvelle loi appliquant les recommandations de l’Autorité de la concurrence conduirait à interdire systématiquement les clauses précitées, sans considération de l’atteinte effectivement portée à la concurrence.

En conséquence, cette loi qui serait, selon ce qu’indique l’Autorité de la concurrence, de nature à protéger la concurrence là où elle est effectivement en danger, aurait un effet neutre ou quasi-neutre sur la concurrence dans les hypothèses où la concurrence n’est pas significativement en danger.

Les règles soumises par l’Autorité de la concurrence sont directement inspirées du droit communautaire de la concurrence, qui génère de plus en plus le rapprochement des législations nationales des Etats membres de l’Union européenne. Néanmoins, en tant que tel, le droit communautaire des ententes n’a vocation à s’appliquer qu’aux ententes susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre Etats membres de l’Union Européenne. Un accord passé entre des entreprises qui n’occupent pas une part significative du marché communautaire n’est donc pas susceptible de se voir appliquer le droit communautaire de la concurrence.

Quelles autres mesures préconisez-vous pour améliorer l’équilibre des marques et favoriser la création de nouveaux magasins aux marques diversifiées sur le terrain ?

Il est difficile de préconiser des mesures générales, compte tenu de la diversité des situations. Les mesures à prendre doivent être adaptées au type d’atteinte effectivement portée à la concurrence et proportionnée au degré de cette atteinte. Selon telle ou telle situation, une même pratique portant atteinte à la concurrence pourra être, ou non, justifiée par des gains d’efficience. Les mesures individualisées – que ce soit par une procédure d’engagement ou par une procédure d’injonction, par exemple – paraissent donc préférables à une mesure générale. Préalablement à toute action législative, il apparaît préférable de tenter d’obtenir un consensus des distributeurs en vue de renforcer la concurrence dans ce secteur. Il s’agit d’ailleurs de la première solution envisagée par l’Autorité de la concurrence pour assouplir le marché du commerce alimentaire : ce n’est en effet qu’en cas d’échec de cette méthode que l’Autorité de la concurrence justifie le recours au législateur.

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