Dossiers de la franchise
La transmission d’un réseau de franchise : les clés de la réussite
Réussir la création de son entreprise est un beau challenge. Réussir sa transmission à un tiers est l'ultime défi du créateur.
Nous écartons du champ de cet article les reprises dans lesquelles l'entreprise rachetée est en situation de crise, pour ne nous concentrer que sur les reprises qui, du côté du vendeur, correspondent à l'aboutissement de son projet d'origine et du côté de l'acheteur, à un choix mûrement réfléchi de croissance externe, que l'achat soit le fait d'une entreprise ou d'un individu, accompagnés ou non d'un groupe de capitaux développeurs.
1. La culture franchise
Convenons que la culture franchise est celle qui existe dans un réseau lorsque l’esprit du Code de Déontologie est compris et vécu. En particulier, lorsque :
• La collaboration entre franchisés et franchiseur est « étroite et continue »
• Le savoir-faire existe, il est « secret, substantiel et identifié »
• Le franchiseur « apporte continuellement une assistance » à ses franchisés
• Le franchisé « consacre ses meilleurs efforts au développement du réseau de franchise et au maintien de son identité commune et de sa réputation »
• « Le franchiseur et les franchisés savent qu’ils collaborent dans un système où leurs intérêts sont liés, tant à court qu’à terme plus long ».
"Le franchiseur apporte continuellement une assistance à ses franchisés"
Dans ce type de réseau, le franchiseur sait l’importance de l’émotion dans sa relation avec chaque franchisé. Il sait que tout le dispositif d’assistance qu’il a mis en place sert, en grande partie, à générer « l’émotion positive » entre lui et les franchisés : la capacité à échanger, construire, se confronter sans s’affronter.
Cette définition posée, nous examinons les différentes situations qui se présentent dans les opérations de rachat de réseaux de franchise.
2. Deux cas de figure édifiants
Que le rachat d’un réseau franchiseur soit le fait d’un succursaliste ou d’un franchiseur, l’opération ne peut réussir que si sont intégrées deux dimensions essentielles :
• Les spécificités liées à la relation de franchise , notamment l’émotion
• La réalité économique liée au rachat
2.1. Le rachat d’un réseau de franchise par un succursaliste
C’est sans doute la situation la plus complexe, celle dans laquelle les échecs sont les plus cuisants.
Echecs qui sont dus au choc de cultures.
Le succursaliste évolue dans une relation hiérarchique, il conçoit les stratégies, veille (dans le meilleur des cas) à les expliquer en interne et les déploie dans son entreprise.
Confronté à une réalité de franchise , le succursaliste est interloqué : il ne peut plus simplement décider et faire mettre en œuvre, il doit aussi écouter, expliquer, impliquer, intégrer.
Au début, il doit aussi et surtout écouter et rassurer : qu’allez-vous faire de l’enseigne, quels vont être nos prix d’achat, qui seront nos interlocuteurs, le contrat va-t-il être respecté ?
Il doit apprendre vite les particularités de la relation de franchise . S’il commet la tragique erreur de remplacer les hommes du franchiseur par les siens, il se coupe totalement et irrémédiablement du réseau.
C’est d’autant plus vrai quand l’acquéreur n’a aucune expérience de la franchise et qu’il ne connait pas la distribution. Le groupe Fliba l’a appris à ses dépens quand il a racheté Geneviève Lethu en 1997. Il en a été de même lorsque les banques se sont précitées sur le rachat des réseaux d’agences immobilières.
On n’achète pas un réseau de franchise en se disant béatement et naïvement « quelle belle diversification vers l’aval ».
Etre du métier quand sa culture n’est pas celle de franchiseur , ne suffit pas non plus pour créer de la valeur dans une opération de croissance externe. Le groupe Régis, géant américain de la coiffure, a, lui aussi, payé le prix fort quand il a en voulu créer en Europe un grand conglomérat d’enseignes et de marques dans la coiffure. Construite en 2002, la partie française du groupe, incluant notamment des enseignes comme Saint Algue et Jean Louis David, a été revendue en 2012.
On ne joue pas au Monopoly avec la franchise !
2.2. Le rachat d’un réseau de franchise par un franchiseur
Spécialisée dans la papeterie, matériel informatique, fournitures et mobiliers de bureau.
Apport : 90 000 €
La création de Happy, le rachat de Rapid’Flore en complément du réseau Monceau Fleurs, sont incontestablement de beaux exemples de segmentation du marché et de création de portefeuille de marques bien positionnées.
L’intégration de Rapid’Flore semble un succès technique : synergie de réseaux, synergie dans les achats.
L’endettement du groupe rattrape ce qui est pouvait être un exemple de success story. Procédure de sauvegarde fin 2011 pour Groupe Monceau Fleurs , sortie de la procédure en mai 2012, perte encore élevée en 2012 pour Monceau Fleurs.
Le cas de Monceau Fleurs montre que la réalité économique et les équilibres bilanciels doivent compléter la pertinence marketing. Même si la dimension culturelle a été plutôt bien assumée.
3. Les clés culturelles d’une reprise réussie
5 principes constituent les clés d’une reprise (d’une transmission) réussie.
3.1. Le principe N°1 : la pertinence marketing et le financement assuré
Il ne faut racheter un réseau que si la pertinence marketing est forte et que si on dispose du financement nécessaire qui n’alourdit pas exagérément l’endettement.
La pertinence marketing décrit la cohérence et la synergie attendues de la présence d’un second réseau. L’enseigne rachetée doit-elle disparaître ou au contraire est-elle un vrai complément à la première ? Dans ce dernier cas, l’objectif recherché est une meilleure occupation du territoire grâce à une complémentarité géographique ou une complémentarité de positionnement : entrée de gamme et haut de gamme par exemple.
"Il ne faut racheter un réseau que si la pertinence marketing est forte"
Dans tous les cas, il ne faut pas oublier que le repreneur porte intégralement toutes les obligations issues du contrat de franchise du réseau racheté : délicat, si l’objectif est le changement d’enseigne. La jurisprudence nous le rappelle.
Le financement porte sur le montant à verser au vendeur, mais aussi sur les fonds qui seront nécessaires pour introduire les indispensables changements identifiés dans l’objectif d’une intégration optimisée des deux réseaux.
3.2. Le principe N°2 : due diligence
Il ne faut pas racheter un réseau de franchise avant d’avoir réalisé soigneusement le travail de « due diligence », l’examen attentif du réseau à acheter.
A l’intérieur de ce travail très complet, il faut donner un poids particulier à tous les aspects liés à la franchise :
- Les outils spécifiques de la franchise : les argumentaires de vente de la franchise, le système contractuel, le système de reporting, le manuel opérationnel
- Le moral du réseau
- Les résultats des franchisés
- L’organisation d’assistance mise en place par le vendeur
- L’informatique installée
3.3. Le principe N° 3 : les rencontres avec les franchisés
Il ne faut pas racheter un réseau de franchise si on n’est pas prêt à rencontrer chaque franchisé du réseau racheté en un temps « très court » et démontrer par-là, que le repreneur est capable d’écoute et de considération envers les franchisés.
3.4. Le principe N° 4 : l’argumentaire vis-à-vis des franchisés
Il ne faut pas racheter un réseau de franchise avant d’avoir réalisé l’argumentaire de vente qui sera le fil conducteur des entretiens avec les franchisés.
La phase de « due diligence » permet de faire un état des lieux précis du réseau racheté dont un des objectifs est la cartographie de la culture du réseau.
Cette cartographie de la culture du réseau est faite en référence à la carte de la « culture franchise ». Elle permet de mesurer les écarts entre la culture existante et la culture de réseau.
Elle permet aussi et surtout de réaliser l’argumentaire « franchisés » en toute connaissance de cause, en se plaçant du point de vue du franchisé du réseau racheté.
3.5. Le principe N° 5 : la synthèse des cultures
Il ne faut pas racheter un réseau de franchise si on n’est pas prêt de réaliser une synthèse culturelle à partir des deux cultures.
Et c’est sans doute dans ce principe que réside la vraie clé du succès : sauf à faire un très mauvais achat ou à se considérer comme parfait, il faut partir du principe que beaucoup peut être appris du réseau acquis et que ce dernier peut beaucoup bénéficier du rachat.
Dans ce cas, il appartient au franchiseur acquéreur de présenter un plan stratégique clair qui s’adresse autant à ses propres franchisés et à ses équipes, qu’aux franchisés et aux équipes du réseau acheté.
Le plan stratégique de reprise est essentiel. Il comporte la planification dans le temps, de toutes les actions d’intégration du réseau acheté. Notamment :
- • Toute la phase de rencontre des franchisés
- • La présentation du plan d’introduction des changements qui peuvent être annoncés au moment de ces rencontres : formation, informatique, assistance….
- • L’identification des doublons en termes de compétences et la mise en œuvre rapide des mesures éventuelles de licenciement nécessaires. Ces mesures ne doivent pas porter sur les salariés responsables de l’animation !
En conclusion, réussir à vendre sa franchise repose sur une triple logique : marketing, financière et culturelle.
Cette logique est fondée sur une vision stratégique de couverture du marché, un plan de financement solide qui doit comprendre les fonds nécessaires aux investissements à consentir dans le réseau acheté et sur la volonté de créer une culture de réseaux qui est une synthèse des deux cultures.
Le rôle du « patron » du réseau acquéreur est fondamental dans ce processus : c’est lui qui va être en première ligne pour écouter, expliquer, décider et rassurer. Il faut du courage, de la patience, de l’empathie et de l’endurance.
Il faut surtout aussi ne jamais oublier qu’un réseau n’est vraiment acquis, que si les franchisés sont acquis à la cause de l’acquéreur !
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